Atridès - The gypsy kings

L'Explorer Sigma ne ressemble vraiment plus à ce qu'il était : un grand tas de couloirs vide. Les Théopoliens emplissent les couloirs, émerveillés à chaque pas. La magie de la science qui les fascine, ça va bien cinq minutes, mais Atridès n'a jamais été aussi heureux qu'en aidant sa mère à quitter la nacelle, et de la regarder avec Jake, repartir de Metep-III. Enfin libres. Plus d'adorateurs, plus de magie à la con, plus de sources folles, plus...

Plus que le désert, visiblement. C'est un foutu désert. 

 Allez. D'après le soleil, on est à quelques heures de marche, pas plus.

Jake peut changer de forme pour limiter les dommages du sable. Atridès doit changer son bandana en masque quand le vent souffle.

Beaucoup moins, si on court ! Tu montes sur mon dos, maman ?

... Hé, Jake ? On fait la course ?

Le chien est emballé par l'idée. 

 Quoi ? Je ne suis pas un sac ! Tu prends toujours le chemin le plus court ? Essaie d'apprécier ce lieu pour ce qu'il est. Que vois-tu ?


 C'est le désert d'Eshtar. Notre peuple aussi a ses héros. Eshtar était un mutant gitan, qui pouvait se changer en corbeau. Il a racheté le nom de notre peuple en devenant un pionnier de la seconde vague de colonisation. On lui a promis un lopin de terre gigantesque de son choix, sur la planète de son choix, pour tout son labeur. Il n'a demandé que deux choses aux Saints : Ce désert qui donne sur la mer, et l'ouverture d'un parc national pour les corbeaux, là où les gadjos... Les gens normaux... vivent avec leurs villes. On y allait de temps à autres. 

Et il a choisi ça parce que un : il n'est pas entièrement mort, il vivra tant qu'il y aura des corbeaux. Et deux... Ce désert, on aurait pu le terraformer. Mais on voulait en garder les espèces natives. Sur cette planète, il existe des animaux qui vivent uniquement du sable. Et nous sommes les seuls à les cultiver. Notre peuple a toujours gardé des secrets. Maintenant, nous en gardons de nouveaux. 

Malgré le ciel bleu, une sorte de tonnerre gronde. C'est le sol. Quelque chose d'énorme bouge sous le sol, mais heureusement, c'est loin d'eux.

Oh. D'accord. Et... Tu as l'air d'être déjà venue ici. Il y a longtemps, maintenant... Il habite loin, notre peuple ? Parce que là, il y à l'air d'y avoir un truc sous le sol. Un gros truc...

 Ne t'en fais pas. Vois cet endroit comme... un océan de sable. Il y a de petits animaux dedans... Et de plus gros. Et pour la population, c'est pareil : on devrait bientôt voir les logements. Nos vieux deviennent sédentaires, et gardent les abris fonctionnels pendant que les jeunes apprennent les voies du désert. 

Et en effet, moins d'une heure plus tard, des tentures sur des bâtiments, des murs et des panneaux solaires finissent par luire au loin. A la fin de l'heure, ils arrivent à un campement moderne, avec un puits et de petites fortifications, qui luttent plus contre le sable que contre qui que ce soit.

L'air est sec et chaud, et une fois arrivés, personne ne les retient de puiser de l'eau. Car personne n'est dehors en plein soleil. Puis ils se dirigent vers les bâtiments, et c'est là qu'Atridès la voit. A aucun moment il n'avait senti de présence, et pourtant là, sur un transat avec les doigts de pieds en éventail, une femme d'âge mûr est allongée, un livre ouvert sur sa jupe. Sur la couverture, on peut lire les lettre S.A.S. en gros caractères.

 Anissa ? La vieille femme émet un bruit d'éveil impromptu : quelques gargouillis et un grognement. Quand elle se redresse, elle regarde les deux intrus en fronçant les sourcils.



Z...Zelda ? Puis elle regarde Atridès, persuadée qu'elle le reconnaîtra à son tour. Mais non. Elle reporte donc son attention sur sa mère, et se frotte les yeux pour vérifier à nouveau. Pas de doute, elles se reconnaissent.

Mais... Mais... Tu as l'air si jeune ! 

 C'est une longue histoire, cousine. Fais-nous entrer, et donne-nous à boire, déjà. 

 Je suppose que je peux bien faire ça. Et toi alors, t'es qui ? 

 C'est une longue histoire, j'ai dit. Allons d'abord nous asseoir.

Et Atridès obéit. Il glisse juste à la vieille dame :

Atridès, madame. Je m'appelle Atridès...

 L'Atréïde... Alors, tu as fini par le trouver. Ou est-ce toi qui l'a trouvée, mon garçon ?

Euuuhhh.... Je pense qu'il faudrait mieux en effet nous assoir devant un peu d'eau, madame. Zelda a raison, c'est un peu compliqué, et long à raconter.
... Ah ! Et lui, il s'appelle Jake... qui se contente d'aboyer gaiement en agitant la queue.

Anissa amène eau et des pastilles effervescentes. Elle en dépose à côté de leurs verres, et en jette une dans son propre verre. Pendant la réaction chimique, elle s'assied, et attend. Le fils et la mère se regardent un moment, puis Zelda commence :


 Quand m'as-tu vue pour la dernière fois ?


 Attends... Prouve-moi déjà que tu es bien ma cousine.

 A sept ans tu as mis ton doigt dans...

 D'accord, d'accord... pas devant le petit. La dernière fois c'était... Il y a quatre ans, je dirais. Mais tu as rajeuni d'au moins quinze ans depuis, comment est-ce possible ?

Quatre ans seulement ? Mais dans ce cas là, ça veut dire que... Euh... Que je te laisse expliquer ça à ta cousine. Atridès essaye de se souvenir du nom qu'il peut donner à une cousine de sa mère. Ce n'est pas une tante, sûr. Mais entre les trucs de "germain" et "issu de germain", il s'y est toujours perdu. En fait, non, il n'y a jamais rien compris... Donc, il laisse passer avec un froncement de sourcil, signe de sa profonde réflexion désormais avortée.

 Eh bien tu as maintenant deux cousines. Je ne sais pas trop comment dire mieux que ça. Atridès a fait un truc magique de chez lui, et j'existe en double exemplaire. Sauf que celui-ci est vingt ans plus jeune. 

 Mais comment ?

 Comme je t'ai dit : Magie Gadjo. Bon, Anissa. Est-ce que papa est encore en vie ?

 Oh, oui... L'animal ne mourra jamais. Tu le sais bien. Il chassait les vautours avec un bâton la semaine dernière. 

 Nous devons le voir. Je dois le voir.

 Il est chez lui, dit-elle en brandissant son index dans la direction d'un abri.

 Sois un ange, Anissa. Occupe-toi de ton petit cousin. C'est un des nôtres, mais il ne connaît le mot "gitan" que depuis quelques jours. Alors sois indulgente. Zelda quitte la pièce pour aller voir son père. 

Ce qui laisse Anissa et Atridès face à face, se triturant les doigts, chacun cherchant quoi faire.

 Alors, tu... dois manger beaucoup pour avoir autant de muscles. Hein ?

Ah ça, oui ! Et j'adore cuisiner, aussi !

... Mais je sais me priver, s'il le faut. J'ai eu l'habitude. En plus j'ai l'impression qu'il n'y a pas beaucoup de cultures ici, donc pas grand chose à manger dans le coin.

J'y pense, d'ailleurs... Tenez, c'est pour vous, Anissa ! , dit-il en sortant de sa besace un bocal d'immenses olives théopoliennes marinées dans des aromates, un autre rempli de gousses d'ail confites baignant dans de l'huile, un gros poivron et du fromage de brebis enveloppé de feuilles de vignes.

Le fromage, il va falloir le manger assez vite. Avec cette chaleur, ça ne va pas tenir longtemps...

 Ne te fies pas aux apparences. Notre vie est humble, mais sous le sable gît notre richesse. Et quelques silos-serres. Mettons juste tout ça au frais. Sauf une de ces olives géantes, jamais vu ça. Elle la mange avec appétit malgré le goût fort prononcé. Ils doivent manger des épices, dans le coin, se dit le géant. Alors... Demi-dieu, hein ?

...

Mouais.

... Comment tu as deviné ça, Anissa ? Les gens me disent toujours que je ne ressemble pas vraiment à un demi-Dieu. Pas avec le côté présomptueux, tu sais, avec la grosse voix à la con, genre : "je suis un demi-dieu, respectez-moi !"

 Ohla, oui. Tu caches bien ton jeu, en fait. Je n'avais pas d'a priori. Tu as créé un double de ta mère, alors. Comment as-tu fait, dis-moi, et je t'enseignerai comment j'ai su pour ta divinité. C'est un vieux truc de Gitans.

Ma mère ? Ahaha ! Vous êtes sérieuse ? Zelda, ma mère ? , dit-il en essayant de jouer la comédie.

 ...

 Et sinon, pour le double, c'est compliqué... C'est le Dieu de la Vie qui a fait ça. Moi, je ne m'occupe pas de ce genre de chose !

 Je vois. Et de quoi t'occupes-tu, dans ce cas ?

Alors, c'est un peu ça le problème... J'en suis pas certain à cent pour cent. Le truc c'est qu'il y a plein de gens qui ont essayé de me nommer... Et, pffff...

Tu sais, "Le Tueur de Dieu"...

"Le Mec qui vient de baiser ta fille".
"Le Dieu au Chien".
"Le Libérateur."
"Le Gars qui est en train de se tirer. Là-bas. Vous ne voyez pas ? Ah oui, il est déjà loin"...

... Et aussi "Le Type qui va te foutre une baffe si tu continues tes conneries"...


... J'hésite encore.

 J'aime bien "le dieu au chien". Bon, il faut que Médor survive. Hein, mon beau ? Oui.... 

On sent tout de même que sa tirade vise à dévier le ton qu'a pris Atridès. Il réalise que, face à cette vieille femme, il doit être assez intimidant, en fait. Elle semble le jauger et sa dernière réaction ne l'aura pas mise à l'aise. Heureusement, Zelda revient, accompagnée par une sorte de momie sans bandelettes, un vieil homme qu'on ne devrait même pas tenir par la main pour le faire marcher, comme elle le fait. 


Il semble pouvoir casser à tout instant, et ses yeux ne voient plus, depuis longtemps. Pourtant ils gardent une certaine couleur bleue, dans leur pâleur.


 Guide ma main, Zelda. Où est-il ?

 Il est là, père. juste devant ton doigt, qu'elle porte vers Atridès. Doucement.

Ah... Le vieil homme lève le bras, et lorsqu'il touche une énorme épaule, il a une expression d'incompréhension. Il remonte sa main. Par les Sources, la taille de cet homme ! Quel âge as-tu, mon garçon ?

Je ne sais pas exactement... Entre dix-huit et dix-neuf ans, je dirais, monsieur.
Vous... Vous êtes donc le père de Zelda ? , dit-il en retournant son regard vers sa mère.

 Et ton grand-père. Eshtar. Sois le bienvenu dans mon Den. Mes yeux seront bientôt là, mais en attendant, baisse-toi un peu, veux-tu ? J'aimerais mieux voir ton visage. Ce disant, il avance ses mains avec tact. 


Oh. Tu ressembles à mon petit frère, dieu aie son âme. Tu ne trouves pas, Zelda ? C'est le portrait craché de...

 On n'a jamais connu notre oncle, papa.

 Oh. Oui. Pardon. Anissa, fais-moi ma tisane.

 Oui, mon oncle. Anissa se saisit d'une bouilloire électrique et tandis que l'eau chauffe, elle sort une bouteille de verre soufflé contenant une poudre ressemblant à du cobalt. Elle en garnit une grande cuillère qu'elle chauffe à la flamme, avant de la jeter dans une tasse qu'elle remplit d'eau chaude.


Tout le monde fait silence, et Anissa lève la main pour inciter Atridès à le respecter lui aussi. Le vieil homme boit. Et soudain, ses yeux reprennent vie. Ses muscles se raffermissent, son sourire revient. Le bleu de ces yeux est phénoménal, presque d'un autre monde.


 Aaaaahhhh.....Oui. L'image même de mon défunt frère. Sois le bienvenu, mon enfant. On entend le cri de corbeaux au loin. As-tu le don ? Bah, je ne sais pas pourquoi je demande. Tu l'as, je le sens.

Anissa, prépare-lui une tisane.

 Maintenant !??!

 Pourquoi pas ?

 On ne lui a rien expliqué, père. Il ne sait pas pour l'épice, ni la mutation, rien de tout ça.

J'aime bien les tisanes, et j'adore découvrir les goûts inconnus, les spécialités locales. Naaan, vraiment, la popote et les boissons, c'est mon truc....
Et c'est vrai qu'il a regardé - et même humé - la décoction qu'a bu son grand-père. Elle sentait bon la cannelle.

... Par contre, quand on rajoute le mot "mutation" en parlant de la tisane, bah, là... Pfff... Au minimum, je demande qu'on m'explique.

Normal. La base, quoi... Tranquillement.

 Je suis un mutant. Anissa et tous mes enfants sont des mutants. Tu es donc un mutant. La décoction donne des visions, mais aussi des forces. Elle ne fait pas muter les gens. Fin de l'explication. 

 Tu pourrais te montrer plus patient. Tu peux boire, Atridès, mais l'expérience sera à la limite de l'hallucinogène. J'aurais préféré garder ça pour plus tard, papa.

 Quoi ? Je Vais bientôt partir. J'aurais aimé qu'il vienne avec moi.

D'accord. Je viens, grand-père.

Il se retourne vers Zelda :

Par contre, sérieusement... Si on me donne des hallucinogènes... Tu fais évacuer le campement, ou vous me faites boire ça bien loin d'ici, Maman.
Je veux pas faire de dégât ici sans même m'en rendre compte...

Sinon, on est bon...

 Tu vois, papa ? Il est plus jeune et pourtant, bien plus raisonnable.

 Alors, mon garçon. Tu bois ou tu passes ? On ne va pas te mettre dans le désert, quand même.

Le ton d'Eshtar est celui du défi, infantile et provocateur. Son sourire en dit long. Il jauge son petit-fils.

Si je ne vais pas dans le désert, c'est tous les autres qui devront y aller.

Donc, je bois, et je vais dans le désert. Ça va être plus simple. , dit-il en tendant la main pour avoir le breuvage.
Anissa le lui passe d'une main hésitante. Il s'en saisit et en boit le contenu sous le regard émerveillé du vieil homme. Il laisse un goût de sable et de cannelle. Puis Atridès s'en va à l'extérieur. Passe le puits. Passe le mur à sable. Marche pendant une minute ou deux avant que sa tête ne commence à tourner. 


Il regarde ses mains, le corps plié en deux par une soudaine crampe d'estomac. Sur chacune d'elles, une tâche ovale, bleue. La chaleur le prend. Il tombe face contre terre.

Le visage au sol, Atridès commence à se réveiller en crachant du sable. Un corbeau aux yeux bleus le regarde les ailes écartées, non loin. Il croasse ou rit. 

Sans aucun contrôle, Atridès se lève comme s'il tombait à l'envers. Il marche à l'envers. Passe le mur à sable. Passe le puits. Entre dans la maison, parle et sort de la maison, tout à l'envers. Il retourne à Théopolis, festoie à l'envers, combat au Tartare, dîne en Olympe, détruit les plans de Compor, fait l'amour à joie à l'envers, revit toute sa vie à l'envers.

Puis il revit à nouveau sa vie, mais à l'endroit. Et très vite. Et tout du long, le corbeau le suit en riant. Maintenant, il est avec le corbeau, et avec son grand père aussi.

 Sois le bienvenu chez toi.

Wooooooo... Merci...

Putain, c'est chaud ton truc, grand-père... Il se retourne sur le sable pour s'y allonger sur le dos. Puis Atridès fixe le soleil de ses pupilles dilatées.

Wooooo... Il ressasse les images, les moments. Les réussites, les échecs. Les moments qu'il veut fuir, ceux où il veut rester. Ce qu'il faut garder, ce qu'il faut jeter...

Oh, mais ce n'est que le début, mon enfant. C'est le premier effet de l'épice. Parcourir le passé. Clarifier le présent. Maintenant que c'est fait, voyons ton avenir.

Ouais... , dit-il, complétement en dehors de tout cela. Flottant ici et là. Ouais... Le passé, c'est fini... Et le futur, c'est bientôt. Trop proche. Tellement proche. Si vite. Il faut... Oui. Il ne faut pas le percuter.

Atridès n'est clairement plus à cet endroit-ci, ni à ce moment présent. Ou sont-ce l'espace et le temps qui le fuient ? Il déploie ses ailes et accompagne le corbeau aux yeux bleus, volant sur le courant du futur. Mais rien n'est fixe ; tout change. Atridès se voit un instant hurler en plongeant l'épée de son père dans le coeur d'un démon rouge, vêtu d'une armure de lumière, entouré par des flammes trop timides pour lècher sa peau. Puis briser un diamant dans sa main, vêtu d'une armure de métal et de science. Il se voit hurler de douleur alors que son peuple meurt, vêtu de poussière et de peaux. Il se voit faire un bras de fer avec un ami de sa force, mais d'une plus faible stature. Un ami qu'il ne connaît même pas encore. Il se voit avec une femme, goûtant sa chair en usant de gestes délicats. Il voit les fils du karma que décrit Mia. Il lève les yeux pour mieux les voir, et lutte contre le soleil éblouissant. 

 Ton avenir est flou. Ou si on y regarde de plus près, il oscille. Comme un néon faible. Tes choix clés clignotent, et changent. Mais ta direction, quelle qu'elle sera, sera ponctuée de violence. Bonne chose, ces muscles. 

Grand-père parle, mais c'est un fond sonore assourdi par le bruit des futurs. Et ces fils. Atridès sent qu'il doit lever les yeux. Au début, il pense qu'une sorte de poulpe les manipule, lui et ses amis. Mais d'autres figures se dressent, encore au dessus. Des formes, de sombres silhouettes masquées par la lumière. Leur peau est rouge, et leurs bouches crachent le feu sur toute la création. 

Atridès émerge en pleine nuit, sur le sable. Son grand-père est en tailleur, à ses côtés, et a disposé une couverture sur son grand petit-fils.

Grand-père... Je n'ai pas tout vu. Je dois en voir plus. Artidès est plutôt calme. Le sable sur son dos, ça fait du bien.

 Tu sais, tu vas avoir bien des ennuis, Atridès. Mais quels qu'ils soient... Tu seras toujours le bienvenu ici. On retournera ensemble dans le désert. Mais ce soir, rentrons.

Et puis franchement, ces visions sont toujours les mêmes, en ce moment...

Lesquelles sont toujours les mêmes ?
Le Démon Rouge et ses disciples, que je tue ? Mon peuple qui meurt ? Le diamant ? La femme que je semble aimer ?

 Non, ça c'étaient des visions personnelles, mon garçon. Je parlais des visages rouges. Tu les as forcément vus : tous ceux qui prennent l'épice les voient, ces derniers temps. La guerre pointe, si tu veux mon avis. Espérons qu'un désert n'intéressera personne.

 Oui, on va rentrer... Atridès se remet sur ses pieds.

Le vieil homme et lui rentrent au camp, et trouvent les femmes endormies sur la table du séjour. Il lui montre une petite chambre avec une couche et une armoire. Jake les attendait aussi, et une fois seuls dans la chambre, il dit :

Comment tu as changé la couleur de tes yeux ?


Ah bon, j'ai fait ça ?

... J'imagine que c'est leur épice, là, leur drogue bleue. C'est un truc de malade, Jake ! Tu revis ta vie comme un spectateur. Tu vois tout. C'est comme si... Tu gérais.

Et puis, tu vois le futur ! Les nœuds. Tout n'est pas clair... Mais... Quand même.

C'est un truc de malade !!

Ça m'a fait bizarre, de sentir que je gérais, en fait.

 Et elle te plaît, ta vie ? La question n'est pas si simple mais est plutôt fine ; en effet, l'expérience permet littéralement d'avoir à la fois une vue sur l'ensemble de sa vie, mais cette vue est extérieure. C'est une chose de vivre sa vie en enchaînant les instants. Mais Atridès a eu beaucoup d'explications récemment. Et tout revoir donne une perspective nouvelle sur soi-même.

Atridès s'allonge à côté de Jake.

Euuuhhhh...

En fait, Atridès réfléchit vraiment à cette question.

Baaahhhffffff...         Mmmh.  

Mmmfff..    

Non. Je crois que ce n'est pas la bonne question, mon pote. La question, c'est "bordel, par où je vais la faire passer !"... Il y en a partout, Jake, il y a des fils, des nœuds, partout ! Ses pupilles sont encore très dilatées sur l'iris bleu azur.

...

Mais sinon, et toi mon pote ? Ça va ? , dit-il en se retournant pour mieux lui grattouiller le bide !

 Ca va. J'étais curieux, alors je suis parti dans le désert voir ce qui s'y passe. Je pense que je ne devrais plus tarder à revenir. Peut-être demain. Ta famille est plutôt tranquille. Quand tu n'es pas là ils parlent de toi, et personne ne fait vraiment attention à moi. Des trucs simples, je m'attendais à plus de prohéties et tout ça. Mais ils se demandent juste si tu comprendras un jour ce que ça veut dire, "gitan". Mais ils concluent en disant qu'on s'en fout un peu, alors...

Tu sais, Jake, ce que je te propose, c'est qu'on se la joue à la cool.

Il sont sympas, l'endroit est étrange, mais accueillant... Il y a ma mère. Mon grand-père a l'air d'avoir plein de chose à me dire. On va squatter ici peinard quelques temps. Ça te va ?

 Ca me va. Tu sais, on a été sur le qui-vive longtemps. Je crois qu'on peut baisser notre garde ici. Mais heureusement que j'ai pris un disque plein de nourriture. La chasse est inexistante, ici.

Pas si sûr. Il ont des serres souterraines, et j'ai senti des animaux, eux aussi sous le sol, dans le désert.

En plus, j'ai vu leur regard quand j'ai offert de la bouffe... Ils en ont. C'est sûr.

 Oui mais la nourriture et la chasse, c'est pas pareil. On ne sent rien dans le sable, c'est complètement mort. J'aime encore mieux l'intérieur. Ecoute, tout ce que j'aime est absent. Pas un chien ici. Même sur Théopolis il y en avait. Et des rats, des trucs à chasser. Même sur Zibbarrit, il y en avait. là... c'est juste le désert et trois cahutes.

Bon, bah dans ce cas là, on ne va pas rester trop longtemps...  Tu voudrais aller où, toi ?

 A la mer. Mais je peux y aller seul si tu veux rester avec les tiens, je comprends.

Ouais, mais non, clairement, mon pote... Là, je peux pas aller la mer tout de suite !
Tu sais quoi ? Je vais rester vivre un peu avec eux. Mieux comprendre cette partie de ma famille...

Mais ce qui est cool, c'est que ma mère m'a dit qu'il y avait un océan, à la limite du désert. Sûr qu'ils y vont pour pêcher. Tu peux y aller, je te rejoins de temps en temps pour me baigner, toi, tu viens régulièrement chercher de la bouffe que je t'aurais préparé, et puis, bah après on quitte cette planète ?

Comme je t'ai dit, je suis ici et dans le désert. Je dois pouvoir aller à la mer et être ici quand même. Je vais essayer.

Avec un peu d'effort, le chien finit par se diviser en deux chiens égaux à l'original, bien qu'un peu plus faibles.


Je vais pas te laisser seul, dit un chien, tandis que l'autre prend la voie de la sortie. Il faut te surveiller, j'ai promis aux autres.

C'est cool de rester, je suis content que...

...

... T'as promis "aux autres" de me surveiller ? Nan, mais sérieusement ?

C'est peut-être plus à moi que je me le suis promis. Il t'arrive toujours des trucs bizarres, alors...

Quelques jours plus tard, le chien du désert est revenu avec la nouvelle : une caravane d'hommes et de femmes arrive. Les gitans du désert ont tous les yeux clairs, et souvent portent le bleu de l'épice. 

Leur arrivée met une vie folle dans ce lieu qui ne comportait, à part sa famille, que quelques autres anciens. Mais à l'issue de la saison où les Vers producteurs d'épice s'enfouissent, le travail est terminé pour une partie du peuple gitan. Après avoir célébré avec les anciens, ils feront la route vers la mer eux aussi, pour se la couler douce et faire le plein de poisson et profiter de l'eau pour supporter le soleil de Metep III.  

Atridès rencontre tous les gens en âge de travailler, et cela inclut des gens de quinze à cinquante ans. Donc beaucoup de filles... Et par la barbe de son père, qu'elles sont bonnes... danseuses. Comme on lui avait dit. Voiles et foulards, toutes en subtilités puis en provocations. Les hommes sont rustres, mais préfèrent avoir "l'étranger" dans leur camp vu sa taille.

Il apprend des mots gitans, et son grand père lu explique comment la Sorcière décida un jour de donner l'épice à Eshtar, d'effacer la langue des gitans de son fameux traducteur universel, et de leur proposer Metep 3 en échange de leur labeur éternel. Quand Atridès demande pourquoi effacer leur langue, Eshtar répond :

 Nous sommes les gardiens des secrets. Les voleurs du clou. Avoir notre langue secrète est un pouvoir.

Atridès est là depuis une semaine, et il n'a pas eu l'occasion de reprendre de l'épice ; les repas et les fêtes se succèdent. Mais les gens finissent par repartir, y compris de nouveaux amis.

 On les accompagne ? Ou on reste encore un peu ?

Nan. 'Faut pas les accompagner. Je vais rester.

Regarde autour de toi. Ici, tout prend du temps. J'ai plein de choses à apprendre, et donc il va falloir du temps.
Et j'suis vachement content qu'une partie de toi reste avec moi. J'ai pas besoin de surveillance, hein ? Genre...
... Mais je suis content d'avoir un vieux pote avec moi.

La vie reprend son cours ; parfois d'autres visiteurs viennent échanger des produits contre des histoires et des conseils. Les vieux sont les juges de la planète, et Eshtar l'ancien est le plus vieux d'eux tous : sa condition de mutant, sa faculté à quitter son corps et l'épice en font un vieillard de cent quarante trois ans. Et après son infusion il semble aller bien.

Zelda le travaille au corps, mais il se refuse à dire où se trouve sa mère. L'autre. 

 Ce n'est pas à moi de le dire. Elle pourrait être n'importe où.

Eshtar le fait aussi emmener dans le désert pendant  une semaine, à surveiller les bassins d'eau du désert, entretenues par des machines qui recyclent la rare humidité dans l'air. Il peut parfois voir des vers, larges comme trois hommes, se faire un chemin jusqu'à la surface du sable, et replonger. Il apprend à économiser l'eau, à creuser des abris, à trouver la vie dans le désert. Les hommes qui l'emmènent ne sont pas des bavards, aussi réapprend-il le silence et ses vertus dans un lieu ou les animaux guettent chaque pas. Jake réalise que la chasse est possible. Ses doubles revenus, il décrit la plage et les vertes étendues au-delà du désert. 


Et puis un soir, grand-père a assez repris ses forces. La nuit tombée, il réveille Atridès et lui fait signe de le suivre. Sans parler, les deux hommes sortent et s'éloignent. Il allume un feu avec un petit réservoir d'huile, et pose dessus une grille, et sur la grille, une bouilloire. Il sort deux verres, un bocal de pâte bleue, et un couteau.

Tu penses que c'est le bon moment, grand-père ? Je veux rester ici encore un peu... Tu n'as pas a forcer les choses.

 Tu dois encore apprendre. Moi, je peux rester en dehors et te guider. Ce qu'on va faire ce soir, c'est qu'au lieu de regarder tout autour de toi, je vais t'apprendre à regarder en toi. Alors qu'il prépare l'eau et l'épice séparément, il demande : Il te faut quelques gouttes de ton propre sang. mets-le sur l'épice. Et il lui tend le couteau. Heureusement, c'est un objet propre et bien aiguisé.

Le sang : c'est là que réside l'identité de l'homme. Bois l'épice avec le sang de quelqu'un, et vois à sa place. Bois ton propre sang pour te focaliser sur toi-même.

C'est bizarre... On dirait presque le genre de rituels que font les prêtres... , annonce Atridès en s’exécutant. Une petite coupure sur l'avant-bras, et il laisse couler son sang sur la substance bleue.

Dis, Grand-père, si je regarde en moi, et que tu m'accompagnes, tu vas tout voir ? Parce que... Euhhhhh...

En fait, comment dire... Parfois... C'est un peu chaud, je crois.

 Je dois boire, quoi qu'il arrive. Tu peux partager ou non, tout dépend de toi. Mais fais vite, avant que ça ne refroidisse. Après ça a un goût dégueulasse.

D'accord. Et il boit. Cul-sec.

 Je serai avec toi, d'accord ? Pour le début, centre-toi sur ma voix. Tu vas revoir ta vie. Comme avant. Avant ça, pense à un moment de cette vie qui a manqué de clarté. Pense à une chose que tu veux revoir.

Démopolis.
Ce sont mes amis. Mais... Je ne sais pas vraiment s'ils sont mes amis. Leur chef s'est fait retourner...





 Elle est là, dans l'espace... Elle a changé. Ils ont construit autour du château.

Dis, grand-père, ce que je vois, c'est la réalité ? Ou c'est comme dans les rêves ?

 Je crois que tu commences à dépasser le présent. Dis-moi plutôt... Est-ce que tu peux voir à l'intérieur ? Pense à un ami en particulier.

En faisant un effort, Atridès finit par pénétrer dans la grande forteresse. Les gens qui ne sont pas restés sur Théopolis semblent attelés à divers travaux. 

Il passe alors de salle en salle afin de déterminer qui est là. La salle du conseil. Les forges, où squatte si souvent la petite Lucie. Elle est avec des adultes. L'un d'eux est un grand bonhomme, et le sang d'Héphaïstos ne se trompe jamais : l'homme est forgeron. Elle a suivi son conseil. 


Leur château devient une station. De nouveaux mutants les rejoignent. En tant qu'ancienne, Lucie, avec tendresse, leur raconte - ou leur racontera - l'histoire du dieu qui voulait être un homme. Elle leur dit que sa prophétie n'est pas finie, et que, quand il aura besoin d'eux, il leur faudra être prêts. Bien plus prêts qu'ils ne l'ont été pour la dernière crise. 

Grand-père ! Je suis dans le futur, là ! La petite Lucie est devenue vieille...

Et on peut aller à Zibarrit ? Je dois me concentrer sur le lieu ou des gens, comme la première fois ?

 Sois à ce que tu fais. Tu laisses trop ton esprit s'éparpiller. Tu risques de te perdre dans ta propre vision. Sois patient. Tu finiras par changer plusieurs fois de lieu et d'époque, quoi qu'il arrive. Essaie juste de repérer ce qui te touche directement dans ce que tu verras. Malgré les réticences du corbeau bleu, Atridès observe Démopolis devenir toujours plus petit alors que l'univers grandit autour de lui dans un zoom qui donne le vertige. Puis la vision replonge, second mal de crane. 

Sur Zibbarrit, la vie est redevenue ce qu'elle était avant l'avènement du divertissement et de l'argent. Aux pieds de la statue du Libérateur, ronronne le chant des adorateurs, doux comme le miel. Ce son, ce goût, ils sont aussi présents ailleurs. Cette foi, elle est chez Lucie, chez les Zibbarrans, chez les Théopoliens. Et chacun prie. Et chacun demande et remercie. Sur Théopolis, on demande de la force et du courage, on demande un exemple. Sur Zibbarrit, on demande le courage de repousser les conglomérats. Sur Démopolis, on espère un sauveur. Toutes ces voix, Atridès les entend en fond. Loin, mais toujours là. Et certaines voix sont des surprises. Une en particulier. C'est une voix qu'il n'a entendue qu'une fois auparavant. La voix d'une femme avec laquelle il faisait l'amour, lors de sa dernière vision. Mais aucune passion ne l'anime cette fois, juste le besoin, la peur et l'urgence.

Atridès ? Un jour, tu m'as dit de prier si je voulais que tu me trouves. Je... Je suis perdue dans la forêt. Il me chasse. Elle est interrompue par ses propres sanglots. Tu m'as dit que tu m'entendrais, à travers l'espace et le temps. Je t'en prie. Aide-moi !

Lorsque la vision se coupe net, Atridès est en train de hurler, assis dans le sable, ses yeux bleuis écarquillés d'horreur. De l'eau froide coule le long de son échine et sur son front. Grand-père en tombe en arrière de surprise. 

...

Quelqu'un m'a parlé... M'a appelé au secours. Une femme... Je ne sais pas qui.

 Je crois que tu es encore en transe, dit l'oiseau près de son grand père. Lui-même se regarde, suant devant lui, toujours assis. 

Soudain, son âme entière vibre sur la note de cette femme. Elle appelle du futur ? Peu importe. Quel genre de dieu serait-il s'il ne pouvait pas sauver quelqu'un qui le prie ? Alors, Atridès regarde à ses pieds. Il y trouve sa route, et commence à la suivre. Son destin l'amène à un vieil appareil caché sous des rochers, dans un endroit du désert peu fréquenté. De là, il regarde le chemin monter vers le ciel. Une fois dans le ciel, plusieurs billes colorées tournent en suivant un soleil. Metep-III est la petite perle brune. Le chemin en part pour se rendre beaucoup plus loin. Il atterrît dans un système voisin, après deux jours de vol, sur une perle verte. Près du centre de l'océan en forme de croix.

Il peut la voir, dans le futur... Et au dessus des arbres, le démon rouge apparaît.

Tu n'as plus nulle part où aller, Latrelle. Je crains que ce ne soit la fin.

La prière se fait plus intense, encore et encore, jusqu'à ce que le monstre passe sa main au travers de la jeune femme, et lui arrache la moitié du torse au passage. 

La présence d'Atridès est là. Et elle va vers cette Latrelle qu'il ne connaît pas encore. Se tient devant elle, et reste avec elle en attendant sa mort.

Je suis là. N'aie pas peur. Tout le monde suivra ton chemin, un jour... Je t'aimerai, je le sais. Et tu seras vengée.

La présence du demi-dieu vient alors vers le Démon Rouge, et il déploie toutes sa puissance pour se faire entendre.

Tu as signé ton arrêt de mort, Circée. Je t'avais dit de ne pas t'en prendre aux miens...

... La bête détourne le regard de part et d'autre, soudainement sur ses gardes. Elle lèche le sang sur son bras, et soudain une couronne de lumière auréole sa tête. Qui se tourne alors vers les yeux d'Atridès, d'une manière ou d'une autre. Il ne l'avait pas vu avant.


..Œil bleu.. vois mon ascension. Pourquoi regarder Layen ? Qui es-tu, Œil bleu ? 

Pourquoi tu as tué cette fille ? , demande Atridès en éludant volontairement les question de ce Layen.

 Tu ne parles pas ? Peu importe. Layen sait que tu existes. Layen te trouvera, Layen te goûtera. Regarde autant que tu veux. 


Alors la bête immonde entreprend de continuer son atroce repas. Impuissant, Atridès est happé par la vision et les derniers cris de Latrelle l'accompagnent dans un vortex de décors. Et de nouveau,les visages rouges hurlent dans le cosmos, et déversent leur vomi sanguinolent sur l'univers.

Viens. Un jour, je te tuerai, Layen.
Tu n'aurais pas dû toucher à cette fille.

Et la vision s'achève.

Alors qu'il se réveille, plutôt déstabilisé, il se retourne vers son grand-père.

...

J'ai agi dans le futur.
Qu'est-ce qui s'est passé, grand-père ?

 Rien encore. Tu as parlé avec un futur. Je sais que c'est possible, mais nous sommes peu à intervenir durant les visions. Et ton sang gadjo te rend... imprévisible. Je sens que ta mère va s'énerver. Elle m'avait prévenu que tu serais un enfant spécial.

Je ne suis pas vraiment spécial, grand-père...
Ouais, je suis immortel, et je suis un Dieu. C'est pas courant, on est d'accord ! Mais à part ça...
J'aime les jolies filles, la bonne bouffe, les bonnes bagarres tranquilles, et les soirées au coin du feu avec les amis. Il hausse les épaules. Comme tout le monde...

J'ai vu le Démon Rouge. Ou un démon rouge, je ne sais pas... Il s'appelle Layen. Et il m'a appelé "Œil Bleu"...

... Et il l'a l'a tuée. Une femme que je ne connais pas encore. Mais je sais que j'aurais un lien avec elle, dans le futur...

 Fais-moi plaisir, tu veux bien ? Aide-moi à me relever, rentrons, et ensuite... Parle à ta mère avant de décider quoi que ce soit à la hâte. Promis ?

Ouais, bah ça ne va pas être compliqué de respecter cette promesse. Je n'ai aucune idée de ce que je dois faire... , dit-il en remettant délicatement le vieil homme sur ses jambes.
Même si en fait, si... Un peu. J'en ai parlé à Jake. Je pense qu'il faut que je reste un peu ici. Mieux comprendre tout ça. Mon ascendance de gitan, l'épice bleue, ce que je peux en faire...

De toute façon, mes amis doivent sûrement bien gérer. Il n'ont pas besoin de moi pour l'instant.

Après être revenus au camp, Atridès réalise que les visions l'épuisent. Le doute le prend sur le chemin du retour. A propos de tout. Il se sent las. Les deux hommes rentrent avant le lever du soleil et passent une partie de la matinée à récupérer. Quand il s'éveille, Atridès trouve Jake à ses chevets. Le chien lève l'oreille et attend patiemment.


Bah alors, mon gros, dit-il de sa voix pâteuse du matin, t'es pas parti à la mer ? Ah si, une partie de toi, j'imagine...

Oui. Toi, tu as l'air crevé.

Les visions sont vachement fatigantes, tu sais...

J'ai vu plein de trucs... Puisque Jake est son meilleur ami, Atridès n'hésite pas tout lui raconter. dans le détail.

Qu'est-ce que tu en penses ?

Il y a un démon qui va manger une fille ?

Bah ouais... Ça arrive parfois. Un grand classique. Même si je ne pense pas qu'il l'ait mangé. Juste tuée. Pas vu la suite.

Mais là, c'est une fille que j'ai baisé. Donc, c'est pas pareil. Là, c'est personnel... 'Fin, que je vais baiser... 'Fin, je vais la baiser parce que je vais la retrouver, parce que j'ai vu ça, et... Oh putain...

... Déjà que je ne m'en sortais pas avant, si je dois gérer le passé, le futur, les possibilités !

Comment ça tu t'en sortais pas ? On vient de changer une planète entière et de ressusciter des milliers de morts. Je crois qu'on s'en est super bien sortis. Il fait peur, ton démon ?

Oui. Pas à moi, mais oui, il doit faire peur, j'imagine...

Mais pour Théopolis... Tu ne le répéteras pas, mais j'ai pas trop géré. J'y suis allé à l'instinct. J'ai frappé quand il fallait frapper. J'ai dit ce que je pensais. J'ai essayé de faire de mon mieux. Mais Jason... Lui, qui a toujours l'air si sûr de lui, il a pris des décisions. Et je ne suis même pas sûr que ce soit les bonnes.

... Moi, je sais gérer les trucs que j'ai devant les yeux. Je sais le faire. Mais des plans sur des centaines d'années... Non.

Et je suis sûr que les autres se moquent tous de moi. Genre "Atridès, il est grand et il est fort, mais qu'est-ce qu'il est con...". Mais même s'ils sont tous plus malins que moi, je n'arrive pas à me sortir de la tête qu'ils sont en train de se planter. Salement. La Folie des Grandeurs, tu vois...

 ... Ils te manquent ?

Bah ouais, évidemment.
Le Vadran toujours optimiste, la petite Mia qui a bien grandie, et tous les autres... La baise avec la prêtresse d'Aphrodite, les parties de pétanque avec les humains habitant l'Olympe.

Mais bon... Comme je te l'ai dit, j'ai des choses à faire ici. Cette épice bleue, tu l'as reniflée, non ? Il m'en faut plus...

 Pour être plus fatigué ? Ou pour faire des cauchemars ? Qu'est-ce que tu racontes...

T'as raison, mais imagine : je peux voir dans le futur avec ce truc ! Imagine le nombre d'emmerdes que ça me permettrait d'esquiver !

En fait, tu devrais en prendre pour comprendre. On fera ça à deux en même temps, la prochaine fois. Ça sera sympa. On demandera à grand-père si c'est possible.

 Je ne sais pas. J'aime bien qu'on me prenne pour un simple chien. Et puis si je dois voir le futur, autant attendre. Ta mère semble inquiète que tu aies autant dormi.

Oui, je vais aller la voir, dit-il en grattouillant la tête de Jake, puis en se levant.
Et sinon, ça se passe bien ici, pour toi ? Je veux dire, tout les gitans sont gentil avec le "simple chien" ? Les gamins aussi ?


 Pas de quoi se plaindre. Ils ont des chiens il parait, mais pas ici. Seulement dans les contrées vertes, qui ont l'air rares sur cette planète. Il y a beaucoup de mutants, ici, j'ai l'impression. Et parmi les vieillards, il y en a au moins trois qui ont des choses qui sentent la magie. Il y en avait plus quand les jeunes étaient là.

C'est vrai que j'oublie toujours que tu sais sentir ça ! Tu me montreras qui sent la magie, quand on les croisera...

En attendant, je vais voir ma mère. Tu viens avec moi ?

Allez.

Ils trouvent Zelda dehors, en train de faire sécher le linge au soleil du désert. Les seuls bruits sont le léger vent, les éoliennes qui grincent parfois, et sa voix qui chante. Cet endroit semble la ressourcer. 

 Ah. Encore une sortie avec ton grand-père, hein ?

C'est ça... On a pris l'épice bleue, ensemble. Qui fait voyager dans l'espace et dans le temps.

... Costaud, ce truc.
Et encore plus costaud pour un Dieu, j'imagine : Il y avait plein de voix qui m’appelaient, dans le  futur. Elle pose son bac, avant de demander :


 Des voix ? Quel genre de voix ?

Des gens qui prient. Et une fille, en particulier... Atridès a décidé depuis le début de ne pas mettre de filtre avec sa mère. C'est peut-être le seul avantage de rencontrer sa vraie mère passé dix-huit ans, d'ailleurs...
En tout cas, il lui relate tout son voyage mystique en détail.


 Si elle sait qu'il faut te prier, c'est que tu le lui apprendras. Je ne savais pas qu'il y avait un vaisseau où tu dis, on ira voir. Et pour la planète que tu décris... Elle sort un pad et fait apparaître une carte de l'espace local. Atridès peut aisément retracer le chemin de sa vision, et à sa surprise, chaque élément, chaque couleur était correcte. Tu es certain ? Si près ? Cette planète, c'est Shangrila . La première planète colonisée dans ce secteur par la première vague de colons. Toute une partie de l'Asie Terrestre y a migré. Puis nous sommes arrivés ici. Depuis, elle a fleuri pour devenir un fleuron de l'ingénierie robotique. C'est une de mes premières destinations, à seize ans. A l'époque, c'était un monde futuriste, mais équilibré. 

Ca explique  ton océan en croix. Je vois de quel continent il s'agit. Dans les images qui apparaissent pour documenter leur recherche, un portrait marque Atridès. Il demande à voir de plus près.



Il a déjà vu cet homme quelque part. A une soirée cossue, avec l'Ange et Mia. Jake peut confirmer.

 C'est lui qui dirige la planète. Bel homme. Il disent qu'il est consulté par toutes sortes de gens depuis qu'il offre l'asile aux Intelligences Artificielles Sentientes. Ne me demande pas ce que ça veut dire, je ne suis pas certaine.

En tout cas, ça semble indiquer qu'il faudra bien que je me rende sur cette planète, un jour. Et de préférence, un jour pas si lointain...

Et donc, c'est grâce a cette épice que tu étais capable de voir le futur, faire ces prédictions aux Dieux de l’Olympe ?

 C'est pratique de savoir ce qui va se passer, pour avoir l'air d'avoir raison. Tu sais, si les gitans ont bien maîtrisé un art, c'est celui d'embellir. On embellit la vérité, on embellit ton opinion, on embellit même le désert ; quand j'ai eu quinze ans, j'ai fait avec Eshtar ce que tu fais maintenant. Et l'épice m'a dit que j'irais au royaume des dieux. Il n'était pas censé exister, mais il était bel et bien réel...

D'accord...

...

Il faut que j'en apprenne plus sur vous. Sur nous. Sur l'épice aussi. Je suis sûr qu'elle n'est pas infaillible. Et qu'il faut la contrôler.

Et aussi que j'aide, ici.

 Pas bête. Tiens, si tu veux aider, tu peux finir le linge.

Euh... Oui, maman.

Dis, après ta vision, tu as fait quoi ? 'Fin, je veux dire, trouver Théopolis, ça ne doit pas être simple. Et puis les voyages. Et trouver les Dieux, tout simplement ! , dit-il en accrochant le linge restant.

 Je suis partie. J'ai laissé tout... et tout le monde. J'ai payé mes trajets en dansant. L'épice est très utile à nos rares pilotes, tu sais. Elle montre les chemins, et ça marche pour le temps comme pour l'espace. Je savais où aller. Ce que j'ignorais, c'est que j'allais me crasher. Sans technologie, mon petit vaisseau et son équipage de curieux s'est arrêté une fois l'atmosphère atteinte.

Naaaan ? Mais tu es une vraie héroïne, comme dans nos légendes ! Et ton équipage, il s'en est sorti ?
Et c'était quoi tes autres visions quand tu as pris l'épice, la première fois? A part le Royaume des Dieux...
Moi, j'en ai eu plein...


 Non, tout le monde n'a pas survécu. Juste moi et le pilote. Dans les rêves bleus, j'étais au centre de l'attention des dieux grecs. Alors je les ai cherchés. J'ai consulté des prêtres et des oracles, et tout s'est enchaîné plus vite que je ne l'aurais voulu. Lorsqu'une de ces femmes a prédit que mon enfant serait celui d'un dieu et qu'il mettrait fin au règne de Zeus, ce dernier s'est rappelé ses propres origines. Il me voulait car il pensait que s'il était ton père, tu lui succéderais. La prophétie serait donc déviée vers une fin satisfaisante. Les autres voulaient t'avoir toi, eux aussi. Pour leurs propres agendas. Te tuer, te diriger contre Zeus, certains mortels te voulaient pour faire de toi un tueur de dieux et mettre fin à leur existence. 

C'était un peu trop pour moi. Alors j'ai résolu de m'offrir au seul qui n'avait pas mentionné un quelconque intérêt pour moi. Ton père me désirait, mais pas pour les mêmes raisons que les autres. Il était juste terriblement seul, et désespéré.

Euuuuhhhh... Et tu comptais me le dire quand, ça ? Il y a d'autres choses importantes que je dois savoir ?


 Devant ton père, ce n'était pas évident. Avant ça, j'étais morte et les événements ne nous ont pas vraiment donné l'opportunité. Et puis... Tu n'avais qu'à demander plus tôt, non ? En plus, c'est suffisamment étrange que tu aies presque mon âge. La dernière fois que je t'avais vu, je venais de décider de t'abandonner. Tu réalises que c'était dur, n'est-ce pas ?

J'imagine, oui.
Et c'est vrai que ça fait bizarre d'avoir le même âge... On peut, je ne sais pas...

... En parler ? Tu me dis tout. Tu y réfléchis bien avant de te lancer, et moi, je fais la cuisine pendant ce temps. Parce que la popote, ici, c'est franchement limite...

 Ne dis pas ça à Maïté, elle deviendrait blême de rage. Mais tu as raison. Je ne sais pas trop quoi te raconter, par contre. Quand tu es né, j'ai du t'isoler chez les seuls Théopoliens en lesquels je pouvais avoir confiance : les non-humains. Puis je suis partie au royaume d'Hadès en cachette avec mon serviteur. Et il m'a tuée, puis ranimée. Ainsi, mon esprit resterait au Tartare jusqu'à ce que tu arrives. Et tu connais la suite.

... 'Faudra que tu rencontres les Faunes et les Nymphes. On fera une grande fête...
...

Les "chemins de lumière" que j'ai vu avec l'épice... Ils ne vont pas tout droit. Il y a de gros sacs de... Nœuds ?
Les nœuds... Tu as fais comment avec les nœuds ? Comment tu as vu au-delà, comment tu as choisi ?

 Je l'ignore. Je... en fait, je ne vois pas de quoi tu parles. Mes visions me montrent des chemins, des événements, des possibilités. Mais pas de chemin de lumière, ni de nœuds...

Mais si ! Les chemins de lumière, c'est entre les événements... J'appelle ça comme ça parce que l'on voit de la lumière entre les deux. Et les nœuds, c'est simplement les moments où l'on voit les évènements, et où l'on choisit de chercher, ou pas.. Tu sais comme quand on fait un tissu sur un métier et que les fils se rejoignent ?

 Tu veux dire... tu vois les fils du destin ? Si c'est ça, tes "nœuds" sont des convergences. Des moments-clé, que nul ne peut empêcher. A moins que ce soient des choix ? Au contraire, ce seraient les moments clés, qui seraient définis par un choix. Je ne saurais pas dire lequel des deux c'est.

Moi non plus ! Mais grand-père doit savoir ! Il a plus l'habitude... Et cette substance vous la trouvez où ?

 C'est un secret auquel on t'initiera peut-être un jour. Elle est très dure à récolter, et sa rareté en fait un outil formidable, mais ça tu le sais déjà. En tant que protecteurs, nous ne pouvons pas te révéler ça. Comprends-nous : tu es trop puissant. Les instructions de la Sorcière étaient claires : L'épice reste un secret. L'épice reste sur Metep III. Et les surhumains ne doivent pas se l'accaparer. C'est un trésor humain. Toi... Tu es humain, mais aussi divin. ET une source. 

Eshtar te fournira pour t'ouvrir l'esprit. Mais n'imagine même pas prendre d'épice avec toi lors de ton départ. Il ne l'autorisera pas, et moi non plus.

Si ce n'est pas permis par notre peuple, je ne le ferais pas. Ne soyez pas tous stressés par ma présence ici... On est bien. Enfin, moi, je suis bien ici ! Jake également.
... Même s'il préfère la mer, et que, franchement, ça lui manque d'autres chiens pour lui tenir compagnie, ici ! Mais ça va encore tant que je suis là, hein ?

Bon, la cuisine... Maman, trouve quelque chose pour occuper Maïté, et je m'en occupe...

Après un repas qui met à l'épreuve la réputation de Maïté et fait "gagner des points" à Atridès auprès de tous les anciens, le jeune dieu a pu repérer lesquels portent en effet des objets enchantés. Presque tous, en fait. Mais quatre sont réellement efficaces. 

Jake s'est divisé et a décidé de partir sur la piste du vaisseau de la vision après le repas. 
Tu veux venir ?

Carrément ! Une ballade dans le désert, je prends ! Et on pourra se faire des petites courses, entre nous !

Et c'est ce qu'ils firent. A leur vitesse, il ne leur faut que trois heures pour parvenir aux coordonnées du "rêve bleu". Et ils n'ont utilisé qu'une de leurs gourdes. Le désert ne facilite pas la course, mais c'est un excellent entraînement. Et puis finalement, au début de la soirée, quand le soleil entame son déclin, ils aperçoivent une grande dune, dont dépasse une plaque de métal mat. 

On a trouvé, mon pote ! On va pouvoir découvrir ce qu'il y a à l'intérieur !

...

Dis, tu t'y connais en vaisseau spatial, Jake ?

Euh, c'est toi l'humain. Moi je trouve les choses, et je peux aider à les déterrer.

Nan, mais t'es sérieux ? D'une, c'est moi qui l'ai trouvé en premier dans mes Rêves Bleus. Comme ils disent... Et en plus, je déterre bien plus vite que toi ! , dit-il en se jetant sur le site et en commençant à déblayer de façon industrielle à l'aide de ses grandes paluches et de sa force titanesque.

Il faut malgré tout admettre que trois chiens métamorphes avec des pattes en forme de pelles sont remarquablement efficaces elles aussi ; en une heure, ils sont épuisés mais ont enfin fini l'aile et arrivent au cockpit. 

Ah putain ! J'ai pas calculé, mais ouais.... Tu as déblayé plus que moi.
Bon, on a accès au poste de pilotage. On se prend un casse-croûte, un peu d'eau, et après on va voir ?

Pour pénétrer à l'intérieur de l'appareil, Il doit forcer l'habitacle, mais ce n'est rien d’irremplaçable. Une odeur de moisissure confirme que le ou les membres de l'équipage doivent se trouver non loin. L'appareil n'est pas grand, mais on peut y loger. Au poste de commandes, un squelette dans une combinaison spatiale. Elle semble intacte, mais le crane de cette personne est fendu.

Atridès entre, se faufile dans le vaisseau. Il regarde un peu partout. Les faits, les objets, les instruments.. Sans trop comprendre.
Ce crâne, par exemple, comment pourrait-il être fendu sans que le masque ne le soit ?

...


Il tâte un peu, déplace le corps. Le scaphandre est sale et trop petit pour Atridès, mais son globe transparent semble dur comme l'acier. Le petit homme dedans, non. A l'impact, il aura cogné trop fort dans son siège, et retenu par les harnais de sécurité, son cou rompu aura laissé le crane impacter son propre scaphandre.

L'homme s'appelait Gordon F. d'après l'inscription sur la poitrine du scaphandre. 

Il faut vraiment aérer, ici. 

Au fait, j'ai trouvé le cadavre d'une femelle. Son scaphandre avait des ailes.

Des ailes ? Ou ça ? Atridès suit Jake pour la visite.
Dis, ça date de longtemps, ça ?

 Je ne peux pas te dire ça précisément. Soixante trois ans ? Soixante quatre ? Je suis pas certain, ça sent trop le renfermé.

Jake conduit Atridès dans une pièce avoisinante. Le cadavre ailé était à l'étage inférieur de l'appareil, qui comporte visiblement une sortie vers le ventre de ce vaisseau. 

 J'ai du forcer la porte pour entrer. Elle était coincée là dedans, avec le sable dehors.

Bah on va regarder ça... Atridès commence par leur retirer leur combinaison, histoire de voir à quelle espèce il a affaire. A part pour les ailes, elle semble humaine. Des mutants, probablement.

 Tes gens brûlent les morts et les laissent fumer dans le désert. Tu décideras quoi en faire, moi je vais traîner les corps dehors.

Laissé à lui-même, Atridès déchiffre malgré tout les commandes avec aisance. C'est du Terran de base. Certains appareils clignotent encore. Et sa source sent de l'énergie. 

Devant ce tableau d'instrument, Atridès semble tout de même un peu perdu. Il regarde les leviers, les boutons. Et il sent monter cette envie que connait chaque humain fasse à cette situation : appuyer, actionner...
Mais il se réprime, et met même ses mains derrière sa nuque. Atridès a comme un sixième sens lorsqu'il va faire une connerie. Le problème, c'est qu'il n'y prête pas toujours attention.
Aujourd'hui, si.

Jake ! C'est un vaisseau terran. Et il y a encore du jus... Tu crois qu'il y a un truc genre, tu sais, le carnet du capitaine, mais qui parle tout seul ? Les truc "holos", tu sais ?

Les Jake se réunissent et reviennent. 


 Il faudrait allumer. Là on dirait que tout est en veille, tu sais ? Pour économiser l'énergie. Ca doit être pas loin du squelette du pilote, j'imagine. Toi tu sais lire, ça devrait être facile, non ? Les humains notent tout.

Ouais, je sais lire, mais il y en a partout, des trucs écrits ! Et ça ne veut pas dire grand chose pour lui... "Danger" - ça, il sait -, "Warheads" - le petit truc qui couvre la gâchette doit sûrement signifier qu'il ne faut pas y toucher par mégarde -, mais sinon...
Mouais, avec des petites flèches un peu partout...  Franchement...
Nan, mec, je ne comprends pas tout... Atridès cherche un truc. "Veille", "allumage", "assistance"... Pas loin du défunt pilote.


Des papiers ont été accrochés avec du scotch au-dessus du regard du pilote. L'un d'eux dit "Ready", un autre "Set", et un autre "Go". Dessous, on lit sur les leviers correspondants : "Start", "Moteurs" et "Systèmes". 


Atridès observe les papiers collés au scotch. "Ready", "Set", "Go"... Il a déjà entendu ces mots, avant... Pour les décollages. Mais, des papiers collés au scotch ?
'Faudrait vraiment que le pilote n'y connaisse rien, qu'il soit le dernier des gros nuls, pour avoir besoin de cela !

Ahahah ! En fait, c'est facile...

Les mains serrées derrière la nuque d'Atridès se détachent pour aller vers les leviers.

Jaaaake ? Je crois que j'ai capté le truc, pour le vaisseau...

Il actionne le premier levier. Un bourdonnement se fait de plus en plus rythmé, jusqu'à devenir un bruit de fond inaudible. Toutes sortes de lumières s'allument dans l'habitacle. L'énergie se diffuse dans tout l'appareil.

Euhhhh. Rapport ? Il y a une IA avec le truc vocal, là ?

Il semble que non.

Jaaaaake ? C'est de la merde, cet appareil ! Il y a même pas de trucs qui parlent et qui te disent quoi faire !

Le théopolien essaye de lire ce qu'il peut lire sur les commandes, hormis les pense-bête affichés devant. Les écrans désormais allumés décrivent avec science tout ce qui se passe à bord. Il y a des machins en rouge autour de l'image de la coque: l'appareil a l'air de savoir qu'il est à demi enseveli. Sur la console, deux sphères à portée de mains. Atridès s'assied dans le siège pour avoir un meilleur point de vue. Quand on les tourne, on change quelque chose sur l'écran. Si la main reste lourde dessus,ça active quelque chose. 


Et on dirait que l'autre main annule les décisions de la première. 


 Oh, pas mal. Tu fais des trucs, le point avec un bâton a ouvert une image. Ah non, c'est juste des lettres.

Atridès lit : ces lettres lui intiment de "démarrer les moteurs, puis les systèmes, puis d'activer les moteurs à une puissance de 1% avant de lancer les boucliers".

Ouais, je gère.

Dis, par contre, je n'ai jamais piloté de vaisseaux spatiaux. Ni vos trucs, là, les voitures... Ni rien d'autre à part un cheval. Et le truc écrit m'explique comment décoller après avoir désensablé, je crois...

Je ne le sens pas trop. Tu le sens, toi ? L'idée, c'est de ramener le vaisseau et les cadavres pas loin du campement de ma famille. Ils pourront faire des rites funéraires et peut-être savoir pour le navigation, tu sais ?

Mais à part le tirer jusqu'à eux... Il faudrait que je le pilote. Et... Bah voilà, je ne le sens pas trop !

 Ou alors on rentre et on prévient les gens de ce qu'on a trouvé. On les ramène. Et on repart tous avec le vaisseau. Là, moi, je pensais juste dormir. Tu as envie de partir seuls ?

Mon pote, c'est pas une question d'envie ! C'est... Regarde ces putain de commandes ! Je peux te lire ce qui est écrit sur les papiers, mais tu nous vois dans la mer entre les étoiles avec un gars comme moi au commandes ?

On est morts. Donc, on rentre.

Viens, mec. Le meilleur moment pour voyager dans le désert, c'est la nuit. Et c'est bientôt. Donc, une sieste en attendant que le soleil se couche, et on y va.

 Tu sais, je garde la fatigue de trois moi. Alors oui, une sieste serait bienvenue. 

Ainsi, une sieste est faite à l'intérieur de l'engin, à l'abri du sable et du vent. Seulement, Atridès doit avoir conservé quelques traces de l'épice car dans son rêve, il se voit endormi sur le siège, avec Jake à ses côtés, mais lui est hors de son propre corps. Il n'y a pas de parois, mais tout le reste est là. Sol, sièges, leurs affaires. Mais pas le vaisseau. A la place, des yeux géants flottent dans l'espace, scrutant l'infini. Et dans ce ciel fantaisiste flotte le scaphandre de Gordon. Et Gordon, bien que pas vraiment en forme, semble moins squelettique que d'habitude.




Oh putain de merde ! , s'exclame Atridès en se redressant d'un bond.
Gordon... Le squelette, là... Il s'appelle Gordon... Il y avait des yeux géant partout dans l'espace !

A ces mots, Gordon tourne la tête. Son corps flotte vers Atridès, jusqu'à ce que son visage émacié soit bien trop près pour qui que ce soit.

 ...

Atridès recule par réflexe.

Qu'est ce que tu me veux, Gordon ?

Gor... don ? Je connais un Gordon. J'ai connu un Gordon. Je crois... J'ai oublié beaucoup de monde depuis que je suis mort. Enfin, mon corps, en tous cas. Depuis je suis dans l'Entrezone. A l'abri. Pour toujours.

Mais vous êtes qui ? Vous êtes quoi ? Et c'est quoi l'Entrezone ?

L'Entrezone, c'est... Je croyais que c'était mon pouvoir mutant. Je pouvais voyager dans l'entrezone pendant que mon corps dormait. J'ai prié pendant des années que quelqu'un vienne me sauver. Mais mon  corps est mort, je crois. Et l'entrezone... l'entrezone n'est pas le produit de mon pouvoir. Il y a des choses ici... Des choses qui dorment.

Euhhh... Tu sais que tout ce que tu dis, tout ce que tu fais, ça fait flipper ?
Et qu'est-ce qu'il est arrivé à ce vaisseau ? Et à la nana avec des ailes ? Je peux aider ?

Une femme ailée ? Aura ? Non, aura est morte pendant le crash, j'imagine. Il n'y a rien à aider. Soudain, il se tend dans l'air et, tel un suricate humanoïde, regarde de côté. Chut.

Quoi ?

Chut ! Puis il se plaque contre une sorte de rocher volant près d'eux. A côté d'Atridès, Atridès et Jake dorment toujours. Les sens de la source remarquent alors une chose inhabituelle : le demi dieu endormi sous ses yeux n'est pas protégé par sa sorte de pellicule résistante à la magie.

C'est logique, finalement : Ces derniers temps, il a du la laisser retomber à force d'être libre et d'avoir perdu ce poids sur ses épaules. C'est surement comme ça que ce vieux fou a pu le happer dans sa mort infinie. En pensant à cela, Atridès retourne son regard vers Gordon. Ses yeux sont toujours exorbités, mais cette fois son visage affiche la peur. C'est alors qu'une ombre massive s'abat sur eux et tout le sol du vaisseau.

Dire de cette ombre qu'elle est titanesque serait un affront à son immensité. Les titans eux-mêmes ne mesurent pas autant. On dirait qu'une lune passe près d'eux, juste au-dessus. Une ombre faîte de gigantesques écailles de la taille d'un terrain de football chacune.

Impossible de se faire une idée de la taille du monstre, mais il emplit maintenant tout le ciel.

Atridès se blottit dans sa cachette, puis regarde le vieil homme avec des yeux tout aussi exorbités.

C'est quoi cette merde ? , chuchote-t-il. Gordon reste sur son rocher flottant, et le regarde, la tête à l'envers, en gardant l'index sur ses lèvres. Le temps semble se suspendre. Une éternité plus tard, la lumière redevient normale, et la fin d'un titanesque triangle écailleux achève de passer près d'eux.

Ouah, c'était un gros, celui-là. Aucune idée de ce que 'est. J'ai jamais voulu savoir. Tu vois, l'entrezone, on y trouve toutes sortes de choses utiles. Perdues. Beaucoup de chaussettes. Tout ce qui est perdu finit ici. Ce qui sort des dimensions normales. C'est... La poubelle de l'univers spirituel.

La poubelle de l'univers spirituel ? Je suis dans une putain de poubelle ? Explique-moi. Comment tu connais tout ça ? Pourquoi je me vois dormir ? Et...
Pourquoi les chaussettes ?

 EXACTEMENT ! JE LE DEMANDE DEPUIS MA PREMIÈRE VISITE ! Le chien s'agite dans son sommeil, et lève la tête. Par contre, toi, je ne sais pas. Peut-être que tu rêves. Moi, je te vois éveillé. Jake commence à renifler. Rêve encore un peu dans ce cas. Je ne crache pas sur la compagnie. Jake aboie si fort qu'Atridès doit se boucher les oreilles. Ce faisant, il ferme les yeux un instant, et se réveille. La nuit est entamée. 


 Il y avait quelqu'un ! J'ai vu senti deux odeurs !

Bah oui, il y quelqu'un ! Ce type là, il montre le scaphandre avec le squelette. Il est dans l'Entrezone. C'est un putain de fantôme ! Attends, attends... Il faut que je lui reparle.


 .... Tu as encore les yeux bleus.


Bah ouais, mais ne me dit pas ça comme si je planais ! Toi, tu as encore son odeur dans les narines ! ... Et il y avait un immense monstre sombre... Des kilomètres et des kilomètres de long... Nan, je sais, il faut que je me rendorme...

Atridès s'allonge. Se retourne une ou deux fois sur lui-même, et s'endort. S'endormir rapidement, c'est presque une seconde nature chez lui. Que ce soit dû aux contraintes de sommeil de la phalange, ou a une aptitude générique, oui, il a le sommeil facile.

... On lui a déjà reproché. Mais cette fois, rien à faire. En fait, il est même trop préoccupé par ce qu'il a vu pour fermer l’œil à nouveau. Son cerveau est en hyperactivité. La marche retour, de nuit comme il l'avait proposée, finit par sembler raisonnable. Mais en voyant les deux corps étalés dans le sable, il ne peut que se demander ce que ça doit être, la vie d'une âme perdue dans une zone poubelle.

'Faudra que je leur en parle, de ce truc, à ma famille. En plus de la présence du vaisseau... Je pense qu'il y a un moyen de le tirer de là, ce pauvre type...

'Fin... On fait la course pour rentrer ? Et là, je te met la honte !

Après une course effrénée, où Jake allonge ses pattes pour pouvoir suivre, Atridès commence à sentir les effets résiduels de l'épice se dissiper, la sueur aidant. Ils arrivent finalement au camp alors que le soleil pointe.

Sa mère les attend avec un repas, et les yeux bleus.

Atridès revient un peu essoufflé, mais surtout excité comme une puce !

Hé, maman, on a été courir dans le désert avec Jake ! On a trouvé le vaisseau spatial qu'il y avait dans mon rêve !
... Il y avait des cadavres de l'équipage, dedans, mais l'un d'eux n'était pas complétement mort... 'Fin, si, mais son âme n'était pas partie ! 'Fin, si, mais dans un endroit bizarre que j'ai pu rejoindre, alors... Et se calmant un peu :
Ça sent bon !

Oui, j'ai fait de la Soupe trois-lézards. 

Atridès. J'ai décidé de planifier la suite pour moi. Je pourrais te suivre, mais nous serions séparés. Je dois rester ici lorsque tu partiras. Mais je t'ai vu partir, et je dois te prévenir que tu mourras peut-être. Plusieurs fois. Mais j'ai vu ton adversaire ; si tu ne bats pas ce monstre, je le vois grandir jusqu'à être impossible à stopper. Seulement, si je viens, je mourrai.

Non. Non seulement tu ne vas me suivre, parce que je ne veux pas que tu meures. Mais en plus tu ne vas pas planifier la suite pour moi. Je voulais déjà partir, je ne savais pas quand ! Et ce monstre que tu as vu... Il ressemble à quoi ?

 C'est parfois un enfant, parfois une bête. il a un odorat développé. il voit les gens comme du gibier. Il les chasse, et les mange. il n'a ni remords ni compassion. Je suis étonnée qu'il puisse parler. Il vit dans la nature... Pour le moment. Mais ses nouvelles proies sont dans les montagnes. Il tourne autour d'un temple. J'ai fait des recherches : C'est le temple des deux dragons, je peux te l'indiquer. 

Je n'irai pas, Atridès. Il va me manger. Il ajouterait ma force à la sienne. Et puis, c'est une mort atroce.

J'aurais pu être comme ça. Si ça tombe, c'est une source animale comme moi. Mais... Même si on est immortels, s'il nous mange et qu'il peut ajouter à sa force.. on a pas le droit à un échec. Zelda a peut-être raison : doit-on l'affronter ?


Ca dépend. C'est qui ? Le démon rouge ? Celui qui a bouffé ma future amie ? Ou bien autre chose ?

 C'était un animal, puis il a commencé à changer. A la fin il était noir, avec des ailes de sang et une couronne de lumière.

C'est lui qui va dévorer Latrelle...
Je vais bien devoir y aller... Mais... Je ne vais pas réussir, c'est ça ? Mon voyage avec l'Epice me l'a montré dans le futur, donc...

 Et moi ?

Bahh... Je ne serais pas contre un coup de main, là-bas. Mais si tu veux rester ici, ou même retourner avec Mia et Vadran, on peut faire ça aussi.

Ça risque d'être un peu chaud avec ce truc, tu sais, mon pote...

Je ne sais pas. Tu m'as vu dans tes visions ? Parce que moi aussi, je suis une source. Je peux changer les choses, Vadran le dit tout le temps.

Mais c'est vrai que retrouver les autres pour ça, ce serait mieux... mais ça pourrait aussi lui donner plus de chances de monter en force.

Je ne t'ai pas vu dans mes visions. Et oui, je pense que tu peux changer les choses... Donc, c'est chouette.

Tu sais quoi ? Je pense que ce serait bien que tu viennes avec moi. Déjà, pour changer les choses. Et puis, les autres sont pleins. Entre Mia, Vadran, Zac, le professeur, et tous leurs trucs magiques et technologiques, leurs vaisseaux de guerre, ils sont peinards...

Mais tu fais ce que tu veux, Jake. C'est la base.

Avant d'entendre vos rêves bleus, je voulais te ramener vite avec les autres, mais maintenant j'aimerais en savoir plus. C'est la première fois que j'entends parler d'un autre animal qui prend conscience comme un humain. J'aimerais bien le rencontrer.

Et à vous entendre, je suis le seul.

 C'est difficile de sympathiser avec un mangeur d'hommes.

 J'ai mangé des hommes. Ça a le même goût que plein d'autres mammifères.

 ... J'oublie parfois que tu es intelligent. Mais je ne te voyais pas comme un tueur.

Oui, c'est parce que je suis intelligent. Mais Atridès est un tueur aussi, et on est tous les deux gentils quand même. Je ne mange pas des hommes pour le plaisir, et pas souvent non plus. Mais il faut bien manger, et si chaque repas me rendait plus intelligent et plus fort, je mangerais plus souvent, c'est clair. 

Bref, peut-être qu'on peut lui parler.

Bah ouais.

Mais dans ce cas, pour y aller, il reste le problème du vaisseau spatial et du type coincé dans la zone "je-ne-sais-plus-quoi"... Et puis un autre truc aussi.

Autant je veux bien aider, mais comment on va aller sauver un type qui est mort ? Il a trouvé moyen de ne pas disparaître, on va pas lui gâcher ça. 

 Demain matin, nous appellerons nos techniciens. Ils seront là dans trois jours, je dirais. L'appareil volera.

 Il reste un "truc", non ? Dit Grand-père, discret comme une ombre. Une ombre qui saurait dissimuler ses énergies.

Oui. Tout cela vient de la vision du futur. Jake et moi, on le fait changer. Donc, il va falloir nous mettre à jour.
Il me faudra un peu de votre épice bleue, pour là-bas. Si j'arrive à lui prendre un goutte de sang, je pourrais savoir...

Ah aussi... Je ne sais pas piloter. Jake non plus.


 Pour cela, nous pouvons te fournir ce dont tu as besoin.

 Ton appareil avait deux passagers ? Alors je peux vous conduire, et vous attendre en orbite.

D'accord, mais seulement si ce n'est pas dangereux pour toi. Tu me le promets ?

On a encore combien de temps, avant que les technicien finissent de déblayer l'engin, vérifier les trucs, y aller... Enfin, on décollera dans combien de temps selon toi ?

 Un peu moins d'une semaine.

Ce qui devrait me permettre de mieux maitriser l'épice. Il faudrait que je sois capable de faire comme toi, grand-père : si j'obtiens du sang du monstre, je pourrais voir à sa place...

Et il faudrait que je reparle au pauvre type, coincé dans l'Entrezone. Je pense que si j'ai réussi la première fois, c'est que l'épice a fait tomber mon truc, là, que l'Ange appelle une "pellicule" et moi, un bouclier...

 C'est possible ; se donner à l'épice peut rendre vulnérable. Ta mère n'aime pas que tu expérimentes l'épice. Elle avait raison je suppose.

 Oui : maintenant, nous voilà conscients d'un danger que d'autres auraient pu juguler à notre place.

A priori, personne n'a rien jugulé, d'après ce que j'ai vu dans le futur...
Et puis, je suis pas spécialiste, mais les trucs qui s'auto-amplifie, je pense qu'il faut les gérer le plus tôt possible.

Bon, bah, plus qu'a se mettre au travail. Je vais essayer d'en apprendre le maximum en une semaine, je prendrai des pauses en faisant la cuisine...

 Je me vois mal t'en empêcher. Mais il y aura toujours une nouvelle raison de prendre l'épice. Promets-moi d'arrêter une fois cette affaire résolue.

Pourquoi ?

 Ta mère a peur que tu ne puisses plus t'en passer. Ou que tu deviennes un dieu du mal. Ou les deux.

 Eshtar ! 

 La vérité est la vérité. Nous te l'avons dit : tu es des nôtres. Tu peux demander l'épice. Nous pouvons refuser. Si cet équilibre devait être influencé.... Connais-tu l'histoire de la poule aux œufs d'or ? Une histoire et quelques métaphores plus tard, les aïeux semblent tous deux fermes : il n'est pas prêt. Il est trop jeune. C'est mal de tuer des poules quand on aime les œufs. Et surtout : pas d'épice après son départ. 

Par contre, cette semaine peut être dédiée à quelques tests, histoire qu'il sache quoi faire dans différents cas de figures. Elle passe rapidement, entre des histoires de ceux qui ont appris les premiers de l'épice. Avoir de l'eau, savoir interpréter les visions, éradiquer la peur, etc. Dans une loge embrumée par des vapeurs d'épice, après trois jours de lecture et de patience, les deux hommes tenteront le rite de sang. 

 La question est : avec qui ? Avec qui partageras-tu une vision et du sang ? Jake toussote. 

Ah bah oui ! Avec Jake ! Il sera parfait pour ça !

Les deux jours suivants, Eshtar les utilise donc pour s'assurer que l'épice est sortie de l'organisme d'Atridès. Puis, il leur raconte, à lui et son chien, les histoires des premiers cultivateurs. L'épice est une substance vivante amenée d'une autre dimension par la Sorcière. Pendant l'exode, elle chercha des planètes qui, une fois terraformées, pourraient abriter son développement. 

Les gitans mutants étaient à l'époque l'ethnie la plus utilisée par les sélénites pour leurs expériences, car ils étaient souvent hors du système. Un mutant en particulier, d'origine Terrienne, fût parmi les premiers gardiens de cette épice. Fredrick Metep fût le premier gardien de cette épice, et il lui fallut trois planètes avant qu'elle ne prenne. Metep-III. Ce mutant fût le premier à tester l'épice, une fois qu'elle fut possible à produire. Avec ses dons de partage, il fit expérimenter l'épice à plusieurs mutants à la fois, et ils étudièrent leur avenir. 

Metep III est une planète bien organisée : souterraine, éparpillée, à faible population, majoritairement désertique, et dépourvue d'intérêt minier ou géographique. La cachette parfaite.

Il raconte que l'épice déplace l'âme le long du Voile du temps. Elle tend à ne montrer que ce qui sera, ou ce qui est voué à être. Personne n'a jamais pu comprendre toute sa vision, et personne n'a survécu en pensant que son destin, fixé, lui épargnerait la mort. 

Et plusieurs morts sur Metep III furent le fait de visions, car on ne peut risquer que sa vérité n'échappe au clan..

Atridès pose quand même, au coin d'une discussion, la question suivante : est-ce que le sélénium connaît leur existence ? Et quels ont été les protocoles pour la cacher si longtemps ? Car il faut continuer, ben sûr... Alors, autant savoir comment faire, dans son cas.

Et un peu plus tard :

Bon, je pense que... Hum, hum... Excusez-moi... Donc, je disais, je pense que nous sommes prêts, Jake et moi.

 Oh ne prends pas ce ton avec moi, hein ! Les dieux, les sélénites, les psykers... Bientôt je ne serai plus que corbeau.Mais en attendant, tu vas apprendre la patience ! Non mais... Grand-père n'est jamais en colère, mais là, il crache et tousse. Une colère de vieillard, qui révèle ses faiblesses. Mais Atridèsle laisse retomber, et il finit par changer d'avis. Bah,Tout est prêt de toutes façons. Venez. 

Dans la hutte en dôme, Atridès doit se faire tout petit pour entrer. Jake se faufile derrière lui et tous les trois se retrouvent en tailleur. Au centre se trouve le feu, des pierres et une coupelle de liquide bleu. Eshtar allume le feu et retire ses vêtements. Atridès dépasse le choc et fait de même, et pendant ce temps le liquide a commencé à bouillonner, et une fine fumée bleutée emplit graduellement la pièce. Eshtar pose un couteau devant eux. Jake se contente de s'ouvrir lui-même, sans croc ni lame, et de sa patte coule un peu de sang. 

Atridès lui, a besoin du couteau. Il entame sa chair avec une légère difficulté, mais quelques gouttes perlent dans le mélange. Grand-père ramasse ses habits et sort en refermant derrière lui.

 Okay, on fait quoi maintenant ? On attend que nos âmes "chevauchent le Voile du temps" ?

 Ah, c'est pas si mal...

 Eh, tu sens ça ? Ça commence à...

Les sources tombent dans le trou béant qui s'ouvre à leurs pieds. Coma. Fondu au noir. 

Atridès s'éveille dans un corps nouveau. Ses pattes sont neuves, et ne fonctionnent pas exactement comme prévu. Il lui faut un temps pour se coordonner. Ses yeux aussi sont neufs et pas habitués à tant de lumière. La chaleur la plus proche l'enveloppe d'une énorme patte poilue et d'une langue massive. 

Hmmmmm... Je suis bien, ici. Au chaud.

Atridès a des frères et des sœurs. Ils se mordillent et se poussent, et dorment côte à côte. La géante produit un lait nourrissant, jusqu'à ce que les dents déchirent. Dehors, c'est la ville, et il faut faire avec tous les humains. Un jour, la géante n'a plus de lait. Un jour elle finit par ne plus bouger, alors commence l'âge de la chasse. avec les autres, ils trouvent dans les poubelles et les cours de quoi subsister. Parfois un rat, parfois un pigeon, parfois une pizza. 

Et puis petit à petit, les frères disparaissent aux mains des humains. Mais pas Atridès, il a appris à se faufiler. Dans un parc, un soir de pluie, Atridès est dans un buisson moyennement avantageux, avec un tas laissé par un humain errant. Alors que les gouttes glissent sur ses poils, un humain avec un parapluie arrive dans le parc désert. 

Il s'arrête. Et il attend tandis qu'Atridès se fige, tous les sens en alerte. Il attend longtemps. Un autre humain à parapluie fait son apparition. Plus courbé, il doit être plus vieux, mais avec la pluie, on ne sent rien de plus. Ils échangent une valise. Le premier humain parle, mais Atridès ne comprend pas l'humain.

Vous êtes certain que ça arrivera ici ?

Oh, oui. Ça va arriver bientôt. Vous savez où me trouver si je me suis trompé. Mais je ne me trompe jamais. Sept minutes.

Partez.

Ohhh... Il va se passer quelque chose. Jake était tout petit - il était tellement mignon ! - , mais il n'a pas du vouloir ou pouvoir bouger... Il ne m'a jamais parlé de ça, d'ailleurs.

Le vieil homme prend la mallette et ne demande pas plus. Il file aussi vite que ses grassouillettes petites jambes le lui permettent. Cinq minutes plus tard, l'autre homme n'a pas bougé et prend la pluie. Une jeune fille, couverte seulement par une blouse blanche, court à travers le parc. 

 Parfait. 

L'homme s'avance vers la jeune fille dans le parc désert. Interpellée par son mouvement, la petite s'arrête.

 Camille Possari ?

Oui ?

La discussion prend aussitôt fin alors que le corps sans vie de l'enfant touche le sol. Son sang s'écoule par le trou créé par la balle, mais aucun son ne s'est échappé. De la gorge d'Atridès, par contre, monte un grondement impossible à contenir. L'homme le remarque alors et pointe son pistolet vers le chiot, mais ne voit pas d'intérêt à l'abattre. Il range son arme et regarde le ciel.

Surpris par ces réactions, Atridès lève les yeux. Une lumière éclaire le ciel assombri par le temps et file à travers les nuages. L'homme écarquille les yeux, et semble réaliser quelque chose. Quelque chose qui l'aura fait changer d'avis. Il braque son arme sur Atridès, et tire. Mais le chiot est petit, et le banc prend le tir. Atridès a la peur de sa vie. Il se met à courir comme un dératé. Il esquive à nouveau deux tirs, mais pour le quatrième, l'homme prend son temps. 

Trop de temps. La source de vie frappe Atridès comme un météore. Une lumière retentit, et l'homme, terrifié, prend la fuite. Atridès passe la nuit avec la pauvre petite, mais comme sa mère, elle ne se réveille jamais. Le lendemain, elle est trouvée par des gens en blanc, et ils l'emmènent tandis que le chiot file.

Les semaines suivantes, il lui est impossible malgré tous ses efforts de retrouver ses frères et soeurs. Il est seul, désormais. Il grandit et survit à la ville, et ne retrouve jamais l'homme à cause de la pluie. 

Plus tard, bien plus tard, Atridès commence à comprendre la langue des hommes. Il rencontre Finn et ses parents après une vilaine dispute de territoire avec les chiens errants locaux. Une histoire de poubelle. Mordu au cou et à l'oeil, Atridès sait qu'il guérira. Mais Finn non, et malgré cela il prend l'animal sous son aile, le nourrit et lui donne un nom. Atridès sera désormais Jake.; Et Finn lui répète souvent qu'ils seront amis pour la vie. 

De là, la vie fût plutôt sympathique, jusqu'à ce que la famille gagne un séjour à la planète-mer... Et Atridès revit alors toute son histoire mais du point de vue du chien. Comme il est pris pour un idiot, comme il apprécie les gens pour leurs actions et leurs odeurs, comme il sent les âmes. Sauf Atridès. Le chien ne peut pas sentir son meilleur ami souvent. A la place, il le retrouve en cherchant le "trou" qu'il représente. 

Atridès comprend aussi combien Jake peut être brutal et mortel, sans jamais être mauvais. Il a plusieurs fois sauté à la gorge d'ennemis pour les finir vite car il se sait petit. Comme un combattant sait qu'un long combat est un mauvais combat, le chien sait qu'il faut vite en finir avec les siens. Sans compas moral édité par l'éducation, Jake voit la vie simplement et juge les gens sur les faits. Sa mémoire est phénoménale, et expérimenter son odorat est incroyable. Mais la vision n'arrive jamais au présent. Quand elle arrive à la hutte, c'est comme si elle ne pouvait y pénétrer. 

Jake est là aussi, et en le cherchant un peu, Atridès le trouve. 

Wah, t'as un problème avec les femelles, toi. On ne devrait pas voir le futur aussi ? Tu disais... Le chien ne finit pas sa phrase, et sa gueule reste ouverte. Derrière Atridès, une vision apparaît : celle de Gordon, l'exilé de l'Entrezone.


Gordon ?

... Je ne suis pas vraiment sûr de là où on est ! Le présent, je crois. Sur Metep III. Avec Jake.

Mec, on a été coupé la dernière fois, avant que je te demande plein de choses. Je peux t'aider ?

M'aider ? Inquiête-toi pour toi, moi je vais bien. Mais toi et ton.. comment on dit déjà.


 ...Chien ?

Oui, merci. Toi et ton chien, vous devriez vous inquiéter d'être ici. Moi, j'ai vécu là plus longtemps que je n'ai été vivant. Et puis je suis mort, après tout, que veux-tu faire, tu n'es pas un dieu.

Eh bien en fait, techniquement, si... Mais c'est vrai que même en étant un dieu, je ne vois pas trop ce que je peux faire...

La fois dernière, tu n'as pas eu le temps de me répondre : c'est quoi, cet endroit, l'entrezone ? Commet tu as fait pour te retrouver coincé là ?

 Quand j'étais vivant j'étais mutant. Et j'avais le pouvoir d'aller dans l'entrezone, là où tombent les choses perdues. Avant de mourir je m'y suis réfugié, mais j'ai du mourir car je ne peux plus revenir. Mais, je pensais qu'on avait déjà eu cette discussion. Tu serais une projection répétitive ? Bref. Je ne cracherais pas sur un peu de compagnie. Elsa Star chante toujours ?

Malheureusement, Gordon n'est pas tombé sur des fans de vieille pop-music centenaire.

Jamais entendu parlé de cette dame, désolé.
Mais pour la compagnie, moi, ça me va de continuer à se voir de temps en temps.
Mais je ne sais pas comment... A chaque fois, c'était dans des exploration du futur. Et j'ai promis d'arrêter bientôt.

En parlant du futur, là, on était en train de partir vers le futur de Jake. Tu peux nous suivre ?

 Ma foi, qu'ai-je à perdre ?

Atridès prend alors la main du vieux Gordon dans la sienne, et suivant son conseil, retourne vers le futur comme on écarte un rideau, comme il le ferait avec un passage vers l'Olympe. 

Ils arrivent à l'aube sur un vallon silencieux. Le soleil pointe ses rayons avec parcimonie sur les collines. De ci de là, il hésite sa lumière sur un bras ou une mâchoire, étendus loin de leurs propriétaires originels. Une meute de Jakes avance avec patience vers les derniers hommes en robes. Leurs faces sont rouges et leurs yeux luisent.Jusqu'au dernier, ils se battent sans fléchir, sans peur de la mort, comme hypnotisés.

Les Jakes ne font alors plus qu'un, et il se laisse tomber au sol, léchant ses plaies. En haut de la colline, le reste de l'armée arrive...

 Oh, Atridès, j'espère que ça en valait la peine.

L'autre Jake, le spectateur, remarque :

J'étais ... douze. Je ne peux pas encore être douze. Et je me bats bien ! Mais là...


Houla, oui !

Dis, ce sont bien des géants qui portent un trône titanesque, avec des centaines de soldats autour ? Et ces bannières, ça te dit quelque chose ?

 Du tout.

 Moi, j'ai mon idée. Parfois on tombe sur des gens perdus, dans l'entrezone. Et cette femme, là-bas, je l'ai déjà vue. Elle avait un corps, cependant. Il parle probablement du visage éthéré qui vient d'apparaître au dessus d'une large explosion dans une ville au loin.


Son ricanement emplit l'environnement. C'est Circé. 

Oh putain ! Circée ? Ouch...
Et elle se balade dans l'Entrezone ? Bon... Ça va être chaud. Je crois qu'elle ne m'aime pas trop.

Tu penses qu'elle a un rapport avec ma bête, là, de mon côté du futur? 'Faudrait chercher des détails...

 C'est moi ou tout ce qu'elle touche devient rouge ? Regarde les soldats, les bannières, leur armure mais aussi leur peau. 

Pendant que les trois parlent, les armées avancent. Jake se divise, et tandis qu'une minuscule partie de lui se faufile vers l'arrière et fuit la scène, trois autres hurlent de concert pour faire diversion. Un rayon de lumière rouge vient frapper le sol devant eux, et la pierre éclate. Puis un autre. Et un autre, et cent autres suivent. Les Jake avancent vers une mort certaine. Lorsque le premier d'entre eux est touché, il n'explose pas. Il tombe à terre et petit à petit, devient rouge. l'âme du Jake-qui-rêve souffre alors comme s'il perdait une partie de lui-même. Atridès vérifie que tout va bien, mais lorsqu'il retourne son regard, la scène a changé. 

Atridès est dans un scaphandre, dans l'espace, avec une sorte de super-lance-grappin spatial ou quelque chose du genre. Il peste et jure dans sa combinaison, même si la vision ne comporte aucun son. Lentement, il se jette d'une partie d'un gigantesque vaisseau vers une autre, faisant d'immenses bonds interminables. Sur la face de l'appareil, des choses grouillent, et sautent pour tenter de l'attraper. Chaque échec les envoie sur une trajectoire infinie dans l'espace, et celles qui pourraient le toucher sont sauvagement expulsées à la main. On dirait des scarabées géants qu'on aurait façonnés avec des cadavres. Et cet appareil en semble infesté. 

Une fois arrivé à un endroit déterminé, Atridès pose son paquetage et l'arme. L'engin se déploie en une sorte de tourelle comme sur l'île des Meenie. Pendant ce déploiement, Atridès se bat au corps à corps, et jette les insectes vers "le ciel". Mais une fois qu'il les a maintenus assez loin, il se met en position. Sa machine crache la mort pendant assez de temps pour que les spectateurs puissent largement commenter.

 Oh, c'est ton tour de mourir comme un con. Pourquoi les visions n'annoncent jamais qu'on va gagner à la lotterie ou avoir un bon repas ?

Nan, mais attend, 'tend...
On s'en sort pas si mal, je trouve... Toi, tu ralentis les troupes, tu douilles, mais tu t'en sors ! Bonne tactique...
Et pour moi, j'ai l'impression que c'est la merde, mais que je m'en sors à peu près.

Bon, par contre, la Bête, Circée, ce truc... On va avoir du pain sur la planche.

 En tous cas quoi qu'il arrive, ne m'aidez jamais. Vous vous rendez compte que vous voyez vos morts ?

 Je suis immortel. C'était pire que ça, pour moi.

 Comment ça, "immortel" ? Personne n'est immortel, chien.

Ah si. Lui, il l'est. Moi aussi.
La plupart du temps, en tout cas... Une lance dans le cœur, ça va. Mais il y a des fois, ça a l'air plus tendu. Quand ça implique des Dieux, et des trucs du genre.

Comme là....

Pendant leur discussion, le schéma change à nouveau. De retour dans l'entrezone. Enfin, pas vraiment. La vision actuelle montre l'entrezone. Mais Gordon ne semble pas avoir vu la différence, et il flotte e les saluant, préparant leurs adieux. 

Mais comme eux, il finit par se voir lui-même, dans le futur. égal à lui-même, il évite une des abominations titanesques qui rôdent en se collant à des débris. 

 Mais qu'est-ce que... Comment...

Atridès essaye de faire comme son grand-père l'a fait avec lui : le guider et le rassurer dans sa "montée".

Tout va bien. Tu es dans ton futur. Chuuuut...

Soudain, la paroi sur laquelle il se tenait se déforme pour englober futur-Gordon. On l'entend hurler quelques secondes. Puis la chose éjecte son scaphandre. 


Vide.


 ...

Bon, donc ça, il faudra que tu esquives. Cette situation là, 'faudra la changer. Mais tu as plein d'intersections pour l'éviter.

 On fait ça tout le temps.

Autour d'eux, le ciel étoilé est éclairé d'une lueur rouge. Le démon, Circé, une armada à terre et une autre dans l'espace. Tous représentent la mort de l'humanité. Tous sont rouges. Et leurs visages emplissent le ciel. 


Les sources sortent de leur transe.

Woooooh... Atridès expire un bon coup.
Bon, ça me fait mal de dire ça, mais je vais devoir me sortir les doigts du cul... Le bon côté c'est qu'on est ensemble, Jake.

Et ouais, j'ai vu dans tes pensées que tu n'aimais pas trop ne pas me sentir... Alors... Atridès fait l'effort de baisser cette pellicule, cette armure ou bouclier...
Et il y a eu une autre chose bizarre... Le jeune théopolien est encore en pleine concentration pour tenter de maitriser son pouvoir.
... Le type qui était là pour récupérer ta Source. 'Fin, une chose à la fois...

 Le quoi ? Quel type ?

Le type, quand tu étais un chiot, dans le parc.
Il savait qu'une Source allait arriver. Il a vendu l'endroit.
Et quand il s'est rendu compte que toi aussi, tu pourrais la recevoir, il a essayé de te tuer. Trop tard...


 T'es certain ? A l'époque je ne comprenais rien à l'humain.

Tu sais que je ne suis pas le plus malin de la bande, mais là, je suis prêt à parier que j'ai raison. La négociation, le type qui se barre, la petite fille dérangeante... Son soulagement après l'avoir butée, tout le reste...

Tu te souviens de leurs odeurs ?


 Non, c'est vieux... 

Mais étrangement, Atridès, lui, la connaît désormais mieux qu'il ne pourrait la sentir. Pour lui le souvenir est récent. 

Oui, mais moi, je me souviens bien. Camille Possari. C'était le nom de la petite fille.
Normalement, c'est elle qui aurait du avoir la Source. Et ce type à capuche a essayé de la prendre. Et toi, tu l'a eu...

Mais bon, on a tellement de truc à faire... Déjà, le Glouton.

Après trois jours, les gitans du sud font leur apparition. Leur regroupement de techniciens débarque avec leurs familles, et le camp se retrouve bondé pendant qu'ils se mettent au travail sur l'appareil. Les nouvelles sont bonnes : l'engin est un vieux modèle, bâti pour durer des centaines d'années, et une fois le sable évacué, les réparations requises sont finalement mineures.

Atridès et Jake ont eu le temps de mettre à plat leur voyage et leurs projets futurs, et Zelda s'occupe de leur trouver "l'équipement approprié" pour leur chasse aux monstre, quoi que cela signifie.

Atridès a passé pas mal de temps avec les techniciens lors de leurs réparations. Une sorte de malaise de laisser sa mère seule capable de diriger ce truc. Il seront à trois, et même si Jake est intelligent, les commandes ne sont pas faites pour un chien.
Aussi, s'il peut apprendre un ou deux trucs de base. Au cas où...

Puis, un jour, proche du départ.

Tu as pensé aux javelots, maman ? C'est la base, pour la chasse "au gros", les javelots... Et l'épice, aussi ?

 Une dose. Comme promis. Mais j'espère que nous n'en aurons pas besoin. Et non, pas de javelots. J'ai deux générateurs de champs de force personnels sélénites, par contre. Ils sont vieux, mais c'est du bon matériel et leur cristal est récent. S'il faut éviter d'être dévoré, ils pourront servir.

 Oui, ça sera utile, ça... En plus de mon hoplon, je serai invulnérable !

Mais les javelots, en fait, je vais en faire. Vite fait avant de partir. Les artisans disent qu'ils ont une forge, et s'ils sont venus en trois jours, je dois pouvoir le faire en moins. En plus, c'est dans les terres. Ca plaira à Jake. 

 J'imagine qu'on n'est pas à un jour près. Prends ce qu'il te faut : on a toutes sortes de métaux triés au fond du campement.

Je vais faire ça vite... Un peu d'argile pour les moules, un creuset, du métal correct à doser et mélanger, de bonnes hampes, quelques prières... Je peux faire des trucs sympa !

Quelques heures de route plus tard, dans les logements délaissés des ouvriers, Atridès rencontre leurs partenaires et leurs enfants leur explique son affaire. Deux jours plus tard, le voilà revenu avec son paquetage sur le dos, l'air moyennement satisfait : le métal est bon, mais trop dur. Il cassera surement sous une trop forte pression. Mais au moins, Atridès se dit-il, il est averti. Qui sait, cela pourrait même s'avérer utile.

Après une fête pour célébrer leur travail, les mécaniciens, mutants pour la moitié, observent le départ d'Atridès avant de repartir. Lui essaie de se souvenir de tout, mais heureusement ils ont des chansons pour ne rien oublier. Sous la direction de Zelda, il "allume les moteurs", vérifie que les trucs de survie soient verts et pas rouges, sinon on étouffe de froid. Bref, il appuie, regarde et pousse des leviers sur indications. Le tableau de bord est recouvert de papiers indiquant les procédures. Pourtant on lui avait dit que l'ordinateur automate allait piloter. Mais il ne semble travailler qu'une fois l'appareil déjà sur sa route, une fois le pire passé : la sortie du globe planétaire. Pendant un instant, on pense que l'appareil va éclater, puis le silence n'est plus perturbé que par le bruit des machines. Là, l'automate pilote prend le relai pour les garder sur leur course.

 Pas mal du tout. Dans trois jours on devrait y être. Le menu est fait, tout est au frais et le four fonctionne. On a de l'air et de l'eau. On a la patience ?

Mode sieste engagé.

Bonne idée, Jake ! Je te réveille quand j'ai fini la popote !

Générateur de champ de force personnel Sélénite (13) acquis.

Les champs de forces utilisés par les forces sélénites post-exodes sont des reproductions de vieux schémas reproduits avec des matériaux de fortune ou des pièces d'autres modèles. Ils furent passés de mains en mains jusqu'à atterrir sur Metep III par la collection, l'héritage ou le commerce. 

Après trois jours de tranquillité, Mère, fils et chien arrivent sans surprises dans l'espace local du système de Shangrila. Elle apparaît immédiatement comme densément peuplée et entourée de vaisseaux de tailles variées. Mais certains sont réellement gigantesques vus du cockpit. Alors qu'ils entament leur descente dans le sytsème, ils passent six planètes à très grande vitesse tandis que Zelda prévient... quelqu'un... de leur arrivée. 



On leur indique un pad d'atterrissage sur la station orbitale lunaire et on les prévient de se tenir prêts à être abordés. Ils vont devoir passer les douanes ici avant de descendre sur Shangrila.

Ils sont très à cheval sur les visiteurs. Ils vont poser des questions sur à peu près tout ce que l'on transporte, d'accord ?

Bah ouais, d'accord, mais bon...
On aurait dû en discuter avant. Parce que là... On a des trucs bizarres sur nous.

L'épice. Mes trucs technologiques vivants qui... Je ne sais même pas ce qu'ils font ! Mon épée forgée par papa, 'fin... Et puis, on est qui ? Tu n'as clairement pas l'âge d'être ma mère. Ma sœur, peut-être. Et Jake ?

 Tu es mon frère, et tu es un forgeron, à l'ancienne. On vient de Metep III, et on vend des reproductions d'armes antiques terrestres. Dès qu'on te pose des questions, essaie de leur parler de ton art, ça les blasera rapidement, et ça rendra notre histoire crédible. Pour le reste, laisse-moi faire. 

Et quoi, Jake ? C'est notre chien, non ?

Oui, bien sûr ! J'oublie toujours que c'est un chien, désolé...

... Mais c'est un bon plan, on fait comme ça !

Après qu'on les ait guidés, des officiers aux teint clair et aux cheveux noirs débarquent à bord, et font l'inventaire de leurs affaires, la plupart du matériel sensible étant consigné dans le disque de stockage égérian fourni par la famille de Vadran. Leurs yeux sont étrangement attirants, il a déjà vu des femmes avec ce genre d'yeux. Tout ce qu'il connait de ce peuple, c'est finalement une prostituée et une déesse en forme de squelette. 

A bord, tout se passe comme Zelda l'avait prédit. Lorsque le doute s'installe, les hommes vérifient son piètre travail. Eux qui sont réputés pour leurs aciers travaillés ne semblent pas impressionnés par les "pieux". Mais leur œil s'attarde longuement sur cette épée que seul Atridès doit pouvoir porter. Alors il leur invente une méthode crédible pour forger un pareil bijou, et les hommes se regardent en haussant les épaules. Ils finissent de scanner leur appareil avec une sorte d'appareil portable, comme un pistolet avec un écran dessus, et puis vérifient leurs papiers sur le réseau. Depuis peu, Atridès a une identité civile, cadeau du Sélénium. Aussi, tout se passe normalement. 

Et personne ne remarque que l'âge de Zelda ne correspond pas à sa carte d'identité, car les deux sont occupés à reluquer ailleurs. 

On leur laisse donc l'accès à la planète sans heurts, et ils entament la descente vers la planète elle-même. Pas tellement différente de Théopolis, vue d'en haut. Ils se posent en suivant les instructions du spatioport, un complexe brillant fait de métal et d'arbres enlacés et juxtaposés pour intégrer le bâtiment au décor. Avant de se poser, ils ont un aperçu aérien d'une mégalopole gigantesque, parsemée d'espaces verts contrôlés certes, mais c'est comme si les colons avaient décidé de ne faire que s'étendre comme une tâche d'humanité plutôt que d'envahir toute la planète. Autour de l'immense ville, hyper-dense, règne une nature imperturbée. 

Ce qui contraste d'autant avec l'endroit où ils se posent. C'est la nuit, sur cet hémisphère, et ce n'est pas plus mal : ils pourront dormir dans un vrai lit, ce soir.




C'est... Whooooo... Un chouette endroit ! On est dans la fédération terrane, ici ?

 En plein dedans. Ah pour ça, tu voulais de la ville, tu vas être servi. En plus les gens d'ici sont assez heureux pour avoir un taux de criminalité remarquablement bas. Viens, on va commencer par trouver un restaurant digne de ce nom pour que tu n'aies pas à cuisiner, pour une fois.

Zelda les emmène et la source du demi-dieu sent celle de Jake, dès la sortie, se séparer en deux chiens. L'un d'eux change de couleur pour passer au noir, et file explorer la ville et ses odeurs. Le Jake normal reste à leurs côtés. Ils arrivent après des rues et des rues de marche, à un quartier qui semble réservé aux diners du soir. Près d'une rivière, les terrasses s'enchaînent et c'est finalement le nez de Jake qui les guide jusqu'aux meilleurs senteurs de la ville. 

Une petite brise passe. On peut prendre un peu son temps. Les arbres et les plantes embaument, le vent caresse leur visage et ils peuvent rapidement passer commande. 

Plat du jour deux minutes, nouilles cinq minutes, vapeur dix minutes, bienvenue chez Demi-Aggy. Qu'est ce que ce sera, voyageurs ?

Alors, alors... Pour moi, ce sera les trois. Pour goûter...

Et si vous avez des trucs, pour notre chien. Un morceau de viande, un os...

 Soupe et nouilles, s'il vous plaît. Vous avez encore ces pâtisseries au gingembre ? Deux. Et de l'eau plate.

 Un gros mangeur, une soupe et nouilles, deux gin-gin ! 

Quelques clients suivent l'élan des voyageurs. Pendant que le vieil homme prépare les plats, un robot doté de multiples bras, eux-mêmes jonchés de plateaux, dépose l'eau et quelques biscuits colorés sur leur table. Il parle avec une voix de ténor.

Messieurs-dames, j'ai pris la liberté d'un bol d'eau pour le chien. J'apporte votre commande très vite. Vous faut-il autre chose ?

C'est parfait, m'sieur. Rien d'autre. Merci beaucoup ! Et il se retourne vers sa mère :

Donc, tu as vu dans mes visions quelqu'un que tu connais ici...

 Non. Je me suis vue venir et mourir, alors je vais repartir dans le vaisseau et rester sur la station orbitale jusqu'à ce que mes petits immortels aient fini.

Biens sûr, c'est la plan. Mais celui que tu m'avais décrit comme le chef de cette planète... Tu sais, je t'avais dis que je l'avais déjà vu quelque part...

C'est quoi son nom, déjà ?

 Oh, tu veux dire le Maire ? Je l'ai rencontré mais c'était il y a longtemps. Sur la route de Théopolis. Je savais qu'il était bon, mais au point de prendre le pouvoir et de faire ce mouvement social pour les robots... ça me sidère.

Le Maire... Il faudra qu'on le rencontre, Jake et moi. Qu'est-ce qu'il y a à dire sur lui ? Hormis son mouvement social pour les robots... Qui est complètement con !

 Il doit y avoir une explication. Ce n'est pas un idiot, juste un gars un peu trop gentil. En tous cas si tu le rencontres, ne lui parle pas de moi, s'il te plaît. Il est capable de croire qu'il peut rembourser sa dette à mon fils. Et ce n'est pas le cas. Voyant la curiosité éveillée chez son fils, Zelda précise : Disons qu'il a encore deux oreilles grâce à mon couteau.

 Voici vos plats. Si je peux me permettre, monsieur, vos propos sont obscurcis. Et quoi que vous pensiez, vous avez heurté les sentiments de mon serveur. Je vais encaisser, si vous voulez bien.

...

... Bah, euhhh...  Si j'ai "heurté ses sentiments", vous pourriez peut-être lui demander de revenir pour que je m'excuse auprès de lui ? Je suis pas du genre a insulter le petit personnel, moi, vous savez, monsieur... J'ai fait parti du petit personnel moi-même vachement longtemps...

Mais, en fait, je comprends pas pourquoi il s'est énervé... Vraiment, hein ? ... Je suis étranger, alors...

Atridès, malgré son physique plus qu'impressionnant, réussi parfois à avoir une extrême candeur dans le regard. Qui apaise souvent nombre de situations sans même que le jeune théopolien ne s'en rende compte.

 Herbie ne peut pas s'énerver. Mais il a appris à éviter les comportements anti-mécaniques. Seulement je ne peux pas être aux fourneaux et aux tables à la fois. L'homme semble plus énervé contre son employé mécanique que contre le couple. Après avoir encaissé, il les laisse à leur repas. Alors qu'ils mangent dans un silence malaisant, une jeune femme les regarde, souriante. Elle finit sa soupe, empoche son dessert dans un sac de papier, et les croise sur sa route vers la sortie.

Vous savez, c'est presque une tradition dans ce quartier de faire honte aux étrangers. Les temps sont juste orageux, gardez le sourire. 

C'est un beau sourire...

Et elle continue sa route, ne laissant pas vraiment à Atridès le temps d'avaler ses nouilles.

 Eh bien. On m'avait dit que tu avais des facilités, mais même la bouche pleine, tu es efficace !

Oui... Merchi mad'moiselle ! Au plaisir ! , crie-t-il dans la foule, en espérant que la jeune femme l'a entendue.

C'est pas compliqué, tu sais... Il suffit d'avoir une bonne stature, pas mal de muscle, être plutôt sympa, et ça tombe facilement... Oh. J'suis désolé. J'oublie que je ne devrais pas dire ça devant toi. Mère humaine.

Mais euhhh... En fait, c'est possible que tu sois déjà grand-mère, tu sais ?!?

 Tu sais que j'ai utilisé l'histoire de Zeus contre lui ? Tu te souviens de l'histoire de Zeus ? Quelle idée, de faire des enfants sans précautions. A notre époque.

Sur Théopolis, ce n'est pas "votre" époque.

... Mais je me suis mis à la page, rassure-toi ! , dit-il en sortant une ribambelle de préservatifs et quelques plaquettes de pillule "Z".

De toute façon, Zeus cherchait le pouvoir, moi, je ne cherche rien. Donc, bon... Pas trop de risques à ce niveau là.
A part pour la prêtresse d'Aphrodite. Elle, elle semblait vraiment vouloir quelque chose de moi. Mais pour elle, j'ai fait gaffe.

 J'imagine que c'est cette source. Tu sais, je savais que j'allais engendrer un enfant unique, mais je n'avais pas prévu ça. J'aimerais bien en savoir plus là-dessus.

Sur quoi ? Ma Source ? Bah... Il avale ses nouilles assez bruyamment. Heureusement, ce qui pourrait paraître pour de l'impolitesse un peu partout est considéré comme une considération pour la qualité de la cuisine, chez les asiatiques. Un hasard qui tombe bien. Comme beaucoup de choses qu'a fait le colosse théopolien, en fait...

Je ne sais pas grand chose, là-dessus. Si je l'ai toujours eu, si je l'ai reçue... Jake l'a reçue. Mia aussi. Les autres je ne sais pas !

Je "régénére", comme ils disent tous... Ça m'arrache à la Mort. J'ai du me faire tuer un paquet de fois, en y repensant, en première ligne de la phalange... Et aussi, je sens les autres comme moi, quand ils sont pas loin.
Mais sinon... Ah si ! Il y a des gens qui savent ce que sait, les Sources, et qui sont capable de prédire quand elles vont arriver. Et d'autres capables de les extraire, et de les donner à quelqu'un d'autre.

Je crois qu'il y a des chasseurs de "nous"...

 Tu penses à la nécromancienne ?

Non... Euhhh... En fait, je ne suis même pas sûr de savoir à qui tu fais référence...

 L'allemande brune ? Fraü Williams ? Elle imite un fort accent.

 Non, en fait, je pense à Compor. Et je pense aussi au type que j'ai vu dans le passé de Jake. Qui savait manifestement quand elle allait arriver, cette Source. Et lui, je veux savoir qui c'est...

Il doit y en avoir des centaines d'autres, statistiquement parlant, si j'en connais déjà deux.

 Tes amis ne manquent pas de panache. Vous chasser serait une perte de ressources phénoménale. 

Après le repas, Elle lui réserve une chambre pour la nuit dans un hôtel, utilise la douche, et range ses affaires.


 A partir de demain je vous laisse à deux. Je serai en orbite si tu veux me joindre, alors ne m'oublie par pendant des semaines. Prends soin de lui, Jake.

Eh, c'est pas comme si j'allais oublier ma mère, même si une jolie asiatique - "asiatique", c'est ça le terme ? - me fait du charme !

Mais elles sont quand même vachement jolies, non ? Leurs yeux, j'aime bien : c'est bizarre, mais j'aime bien...
Et leurs beaux cheveux noirs et raides, aussi...

...

Sinon, tu restes sur le vaisseau, maman, hein ? Tu ne prends pas de risques, promis ? Jake et moi, on... On gère bien, à deux. Même si parfois ça semble partir en sucette...


 C'est la partie à travailler pour toi ; et pour moi c'est d'accepter de rester en retrait. 

Le lendemain, Ils se séparent et Atridès se retrouve en ville, de bon matin. Seul avec Jake. Autour d'eux les habitants se dirigent vers leur travail. Les anciens et les enfants, vers les écoles et les parcs. 

Viens, mon pote, on doit discuter.

Aussi, Atridès prend a direction du parc. Avec son chien.

Bon. Quelle direction ? Moi, je pensais à la mairie. Donc le Maire.

Il n'était pas un peu guindé pour n'être QUE le maire d'une ville ? Son titre semblait plutôt... planétaire, non ?

Je ne sais pas... Sûrement.
Donc, il faut aller à la capitale. On a un peu d'argent local, on va faire comme ça. Il doit y avoir des moyens de transports... Le truc, c'est de rentabiliser, de ne pas se faire plumer. Ma mère a été plutôt radine. Je crois. Je ne suis pas sûr de savoir combien ça vaut, ce qu'elle nous a filé... , dit-il en tournant son crédit-tube dans tous les sens.

En fait, 'faut demander à quelqu'un du coin...

Dis, la fille qui m'a parlé, tout à l'heure, tu saurais retrouver sa piste ?
Si je me débrouille bien, ça nous fera un toit pour dormir cette nuit, un peu de nourriture, et toutes les informations locales dont on a besoin !


 Si je peux ? Facile, j'ai senti son âme hier. C'est par là. 

Avec une déconcertante aisance, Jake renifle une fois tous les cent mètres et les réoriente. En dix minutes à peine, ils découvrent un joli quartier menant vers l'extérieur du centre-ville. On y sent plus de vent, une odeur de fruits et les bruits de gens qui crient tous ensemble, à intervalles réguliers : le son de l'entraînement. Mais ils doivent être une centaine, au bruit !


Le flair du chien les amène droit devant une grande place de pierre taillée. Des arbres fruitiers bordent une petite falaise derrière la place, recouverte de gens espacés d'un mètre cinquante les uns des autres. Il y en a partout, sauf au centre de la place où trône une statue au milieu d'une fontaine. Devant les arbres fruitiers, un robot en kimono rouge à ceinture blanche effectue des gestes, et chacun les reproduit, dans une harmonie incroyable, digne d'armées de légende...


Et la jeune femme est une des cent élèves.

Atridès fait une petite grimace.

Ah merde... Ça ne passera pas.

C'est une militaire. Elle doit vivre avec les autres dans une caserne. Elle ne pourra pas nous offrir le gîte et le couvert en échange d'une petite séance de baise. Bon...

...

Le jeune homme, suite à sa déception du moment, examine quand même leur entraînement. Ce sont des arts martiaux comme dans les holos d'aventure, avec des coups tels qu'on ne comprend pas si c'est possible à faire en vrai. Pourtant ils semblent tous anticiper le prochain mouvement, comme une chorégraphie bien rodée.

Putain... C'est un robot qui les entraîne ? Pfff...

C'est de la merde... Si on ne peut même pas se foutre de la gueule de son sergent instructeur entre potes, puisque c'est un tas de circuits électronique qui s'en fout de l'opinion des recrues, c'est pas l'armée. Ça ne crée pas de cohésion entre les bidasses.

Et puis le vrai combat, le combat "sale", je suis sûr qu'il ne leur apprend pas ça...

Qu'est ce que t'en penses, Jake ? On essaye quand même de chopper un endroit où dormir ici, ou on se trouve un petit endroit tranquille dans la rue ?

Je sais pas. On a toute la journée, et c'est sympa aussi de les regarder. Tu as vu comme ils sont tous dépareillés ? J'aurais cru qu'ils seraient en uniforme ou quelque chose du genre. 

Et puis regarde là-bas : il y a un groupe de jeunes. Des vieux. Des hommes et des femmes. Pas le genre à dormir dans une caserne. Ni l'odeur.

T'as raison, mon pote. C'est vrai que c'est plutôt joli à regarder, et qu'on a tout notre temps...

On se rapproche un peu, pour se trouver un meilleur endroit d'où admirer tout ça ?

... Ah, et si à un moment on en croise un qui veut tester sa "danse" contre moi, et que tu sens que je vais accepter, tu me mords le mollet. C'est jamais bon d'humilier les gens chez qui on crèche !

Quelques vingt minutes plus tard, tout le monde se congratule et se salue. La plupart des gens ramassent leurs affaires et retournent aussi à leurs affaires. La foule se sépare. Jake fait un clin d’œil, puis se dirige dans la foule, et croise "inopinément" le chemin de la fille du restaurant. Elle ne peut pas s'empêcher de pousser un petit gloussement de joie et rapidement, Atridès la voit commencer à le chercher, lui, en tournant la tête jusqu'à ce qu'elle le repère.


Salut, étranger. Tu me suis, ou c'est ton chien qui me suit ?

Oh ! Euuhhhh... En fait, mon chien et moi, on pense souvent de la même façon. Alors, on va dire, peut-être les deux... ?

Tu peux le caresser, si tu veux. Je crois qu'il t'aime bien. Il est plutôt gentil, surtout avec les jolies filles : donc avec toi, c'est sûr qu'il va être adorable ! Il s'appelle Jake...

... Et moi, c'est Atridès. Putain, les chiens, c'est tellement bien avec les filles. Et un chien intelligent, bien plus que moi, c'est encore mieux !

 Shan. Alors, que fais-tu sur cette planète étrange et reculée ?

Étrange, à part le coup des robots, je ne trouve pas... Et reculée, si tu savais d'où je viens ! C'est pire !

...'Fin, voilà, justement, ma sœur - le fille que tu as vu avec moi tout à l'heure - , elle voulait me faire visiter votre planète. Elle est déjà venue ici, elle... Et comme d'habitude, hop, un truc important à gérer et elle me plante là.

Donc bon, je visite pour l'instant. Ah, et elle m'a aussi dit qu'elle connaissait quelqu'un ici, donc je comptais aller le voir, après.

 Après, mmm. J'ai vu que tu as patienté sans déranger le cours, c'est admirable. Ce midi je rentre manger, si tu n'as rien de prévu tout de suite, je te présenterai ma demeure. Atridès. D'où as-tu dit que tu venais ?

D'un trou perdu. Ça m'étonnerait que tu connaisses : Théopolis.

En tout cas, avec plaisir, Shan. Merci pour l'invitation.

Dès qu'elle tourne son regard, Atridès fait un clin d’œil à Jake. Enfin, c'est son plan, mais à la mention de Théopolis, trop d'émotions se bousculent sur le visage de Shan : incompréhension, humour, ravisement, plissement d'yeux, et finalement sa tête s'incline sur la droite, comme si elle le mesurait face à sa déclaration. 


 Eh bien... J'imagine que tu auras des histoires à raconter, alors. Tu es un de ces migrants dont on parle aux holos ?

Bah, techniquement, oui, je suis un migrant...
Mais bon, je ne sais pas ce que disent les holos, je n'ai pas eu l'occasion de les regarder depuis très, très longtemps, donc...

En tout cas, oui, j'ai plein d’histoires à raconter !

 J'habite par là.

Shan amène les deux sources sur une longue rue parsemée d'arbres gigantesques et de plus petits, porteurs de fruits. Ils en ramassent deux en chemin et elle finit par tourner dans une rue perpendiculaire plus calme, aux petites maisons en plain-pied. Elle passe une barrière de bois blanc et quelques dalles de pierre, et ouvre sa porte en passant sa main devant une sorte de petit écran.


La porte glisse sur la droite, et révèle un intérieur très féminin malgré le peu de détails le décorant. Vu la taille de la maison et les couverts sur la table, il y a eu trois personnes ici hier. 


 Cora ? Latrelle ? Oh, personne. Dommage, une de mes amies est grecque d'origine, elle aurait été fascinée par tes histoires.


 Grecque ? Tu as donc entendu parler de Théopolis ?
'Fin, tu sais moi... Je suis... Atridès jette un œil vers Jake, comme pour obtenir une confirmation sur ce qu'il doit dire.
Enfin, je viens de l'armée. Les hoplites de Lycopolis. Mais c'est fini, maintenant... C'est loin derrière moi.

Vous avez entendu parlé de nous, jusqu'ici ?

 Bah oui, je croyais que c'était vous qui étiez inhabitués à la technologie, pas l'inverse. On parle de vous dans tous les bulletins d'holonews depuis quelques semaines, déjà. Tu veux voir ?


De son poignet, elle envoie un signal à l'holovision du salon. Quelques mots flottent dans les airs, et les résultats arrivent en images. Des gens en costume chic, derrière un bureau, agitent les lèvres en silence sur plusieurs écrans. Shan en sélectionne un, et les reporters s'affichent en grand et parlent avec le son :


 

Dans un retournement inhabituel, la découverte d'une planète cachée dans notre propre empire soulève maintes questions : Qui sont les Théopoliens ? Ressemblant aux grecs de l'antiquité terrestre, ces humains hors-normes sont réputés pour leur force et leur aptitude martiale hors normes, mais aussi pour leur découverte  récente de la technologie. Gardés secrets par le Sélénium pour le bien de chacun, un groupe de Théopoliens a décidé de briser ce secret pour se mêler aux peuples post-exode. 

Nigel Garage, élu délégué de la planète Oobna, commente : 

On peut se demander, à la lumière de cette révélation énorme, ce n'est ni un cap ni une péninsule, nous parlons bien d'une planète ! Alors oui, on peut se demander ce que le Sélénium nous cache d'autre. Sommes-nous donc de simples marionnettes ?

Hummm... C'est vachement intéressant, tout ça. Je ne savais pas qu'on parlait de mon peuple sur vos holonews.

Moi, tu sais, je n'y connais pas grand chose en politique. Mais à mon sens, ce gars, là, il n'a pas complétement tort... Même s'il ne sait rien sur nous, ça se sent tout de suite. Il fait son marché électoral sur notre dos, j'imagine. C'est ça ?

 Oh complètement, tu l'as cerné tout de suite. Il fait sa fortune sur la peur des gens. La preuve : il ne parle pas des gens mais de ses "adversaires". Bon, j'ai faim. Tu me racontes une histoire de Théopolis pendant que je cuisine ?

Non.

Je te raconte une histoire sur Théopolis pendant que nous cuisinons ensemble... Tu ne vas pas faire tout le boulot alors que tu m’accueilles ! En plus, j'aime ben ça, cuisiner...

 Regarde alors, je te guiderai. A moins que tu ne saches faire du miso... 

... Tu sais, Théopolis, ça veut dire la "Cité des Dieux". La plupart des grandes histoires de notre peuple sont liées aux Dieux, de près ou de loin. Parfois, ce sont des connards. Parfois, ce sont des gens biens. Ils prennent de grands airs, mais en fait, ils font ce qu'ils peuvent. Ils pensent avoir toujours raison. Donc voilà, ils se croient légitimes.
Un peu comme votre Nigel Garage.

Zeus, tu connais ? Et Hephaïstos ?

Atridès commence à parler de la cosmogonie de Théopolis. Revisitée par son interprétation, tout en coupant des légumes.

 Oui, tout le monde a entendu la mythologie grecque à l'école, au moins.

Je n'ai jamais fréquenté vos écoles. Donc, je ne sais pas ce que vos professeurs vous y racontent.

... Mais le truc, c'est que chez nous, ce ne sont pas des mythes. C'est réel. Alors, forcément, ça change beaucoup de choses.

 Oh, tu es religieux ? Comment ça se passe dans un panthéon aussi large ? Vous choisissez votre dieu, ou.... ?

Non, non... Je ne suis pas du genre "religieux". Mais comme je te l'ai dit, vu que c'est réel chez nous, il faut bien s'adapter... A nouveau, elle tique. Son visage montre une incompréhension passagère, mais elle laisse couler.

Et pour le choix de son Dieu tutélaire... Eh bien, certains choisissent selon leurs affinités, par conviction. D'autres par peur. Pour se garder les bonnes grâces d'un Dieu effrayant, ou se protéger de ses sautes d'humeurs... Si tu es marin, il vaut mieux être en bon terme avec Poséïdon, tu comprends ?
En plus, Poseïdon, il est réputé un peu soupe-au-lait. Mais en fait, c'est pas le pire !

Pour la majorité, les Théopoliens les prient tous. Comme ça, pas de soucis. Ou bien selon les circonstances.
Le gars qui est amoureux d'une fille hors de sa portée, il va se tourner vers Aphrodite.

Mais c'est vrai qu'il y a tellement de Dieux que les mortels peuvent faire leur marché ! Reste à savoir si celui auquel ils adressent leurs prières fait son travail, qu'il les aide en retour...

Oh putain ! Mes fidèles ! Il va falloir que je fasse un tour auprès d'eux, ou ils vont gueuler...

 Et toi, alors ? Tu pries lequel ? Aphrodite ? Dit-elle avec un clin d'oeil.

Atridès a un moment d'hésitation. Son couteau se fige au dessus de sa julienne de légume.

Euuuhh... Moi, c'est un peu particulier. Je ne prie pas vraiment... Pas souvent.

... Mais oui, j'aime bien Aphrodite. On est en bon termes...En tout cas, mon préféré, c'est Hephaïstos. Une histoire de famille.

Et toi, si tu devais te choisir un Dieu Théopolien, ce serait qui ? Enfin, quel genre de Dieu ?

Un petit mouvement innocent vers elle. Juste un petit mouvement pour que leurs corps soient en contact. Hanche contre hanche. Une main qui vient se poser par inadvertance sur la sienne crée un sourire léger mais aucune répulsion. L'affaire est dans le sac...

C'est bon, ça. On va avoir un toit sous lequel dormir ce soir, Jake et moi...

Avant que Shan ne puisse répondre (elle prend vraiment son temps, il faut le dire), la porte d'entrée s'ouvre, révélant deux nouvelles jeunes femmes. Cora et Latrelle, certainement.

 Shan Coy Mahn, tu ne devineras jamais...

Oh, on a un invité ?

Bonjour ! Oh... καλημέρα ! J'ai cru comprendre qu'une d'entre vous parle ma langue ?

Latrelle...

Avec une mine intriguée, Latrelle répond dans un grec très décevant et lointain du dialecte Théopolien.

 γεια σου. Μιλάς έναν παλιό Έλληνα ? Tu me comprends ? C'est qui ton ami, Shan ?

 Le chien. Mais comme son maître avait faim, on l'a invité aussi...

Ce qui est super gentil... Je peux même donner la patte ou faire une petite léchouille sur la main pour vous remercier !

Et sinon, oui : je parle la langue que vous appelez "grec antique". C'est de ça dont je discutais avec Shan, je viens de Théopolis.

 Atridès, Cora, Latrelle. Cora c'est la blonde.

 ...

 Incroyable, on en entend parler, mais dès qu'on en voit un.. on comprend les descriptions. Tu n'as pourtant pas l'air d'un guerrier. Ni arme, ni armure, ni cicatrice... Serais-tu... un roi ?

Haha ! Non, désolé de vous décevoir, je ne suis pas un roi...

J'ai grandi dans la forêt, élevé par les Nymphes, les Dryades et les Faunes. Puis j'ai rejoint les rangs de la phalange de Lycopolis quand j'ai eu l'âge de porter les armes. Treize ou quatorze ans. Je voulais rejoindre les humains. Elles lèvent un doigt ou inclinent la tête. Cora vérifie les réactions de ses amies, mais personne n'interrompt car Atridès semble bien parti.

... Donc oui, j'étais plutôt un guerrier. Mais bon, plus maintenant. Maintenant, je voyage un peu partout, avec Jake. J'aime bien ça... Surtout quand des gens ont la gentillesse de m'offrir le couvert !

Je garde quand même mon épée et mon hoplon sont dans mes affaires, au cas où... Mon armure, je ne l'ai pas embarqué quand j'ai quitté la garde. 'Faudra que je m'en forge une, d'ailleurs, on ne sait jamais.
Quant aux cicatrices... Euhhh... Elles ne restent pas très longtemps. Elle s'effacent, sur moi.

Hein ? Mais... 

 Oh mon... Comment as-tu dit t'appeler ?

Atridès.

Je sais bien que ce que je vous raconte parait incroyable, mais... Sur Théopolis, il y a beaucoup de choses qui peuvent sembler incroyables pour des étrangers !

 La partie où tu régénères, c'est commun ?

 Ou alors il y a des mutants théopoliens.

 Et toi, tu es un dieu ?

Toutes les questions sont posées en même temps, mais le ton de Latrelle, et sa question, font marquer malgré lui un temps d'arrêt au demi-dieu. Il émane quelque chose d'elle. Quelque chose de presque divin. Il n'est peut-être pas là pour la bête, mais plutôt.. pour la fille ?

Je suis le fils bâtard d'Héphaïstos. Ce qui fait de moi un demi-Dieu. Mais... Je n'aime pas trop parler de ça. Les gens me regardent différemment, une fois qu'ils savent ça. J'aime bien être normal. Pouvoir me balader tranquillement avec mon pote Jake. Qui sait parler, d'ailleurs...

Ouais. 

 Et toi, Latrelle ? Il y a quelque chose chez toi qui est particulier... Tu as aussi du sang divin ?

 Non, je suis une mutante. J'ai un don asse particulier, même pour une mutante. Je suis ici pour apprendre à le maîtriser, en apprenant à me maîtriser, moi.

 Elle sait pas ce qu'elle fait.

 Mais maître Yn Zeta dit que mon talent est presque divin. Et puis ce n'est pas drôle, Cora.

 Et personne ne relève que le chien parle et boit au verre ?

 Bah, il a pas renversé, encore. Alors bon.

Oh, Jake est encore bien plus surprenant que ça. Vous verrez...

Et sinon, donc, vous vous entrainez toutes aux arts martiaux dans ce temple ? Il s'appelle comment ? C'est le temple des Deux Dragons ?

 Le temple ? Oh, les cours collectifs ? Non, c'est dispensé librement. le gouvernement met en place toutes sortes d'initiatives citoyennes pour encourager le développement du corps et de l'esprit, et aider les gens à se connaître en tant que voisins. 

 Ça apprend à apprécier les étrangers, aussi !

 Aussi. 

A force de découvertes, de questions et de demi réponses, le repas est prêt et tout le monde s'installe à la table pour continuer la discussion. Shan insiste pour qu'on laisse l'invité tranquille, et que l'on parle de choses et d'autres. C'est assez sympathique de sa part, même si Atridès n'avait rien demandé. Les filles parlent de leur entourage et de ce qu'il faut visiter quand on débarque : comme lui, Latrelle et Cora sont étrangères à ce monde. Puis, bêtement, Latrelle demande à Atridès de lui passer le pichet d'eau. Lorsque leurs doigts s'effleurent, Atridès est submergé par une foule de sentiments, tristesse et confusion, besoin et peur, désespoir. Il peut entendre des centaines de voix parler en même temps, comme si un flot de prières lui était soudain ouvert. Mais c'est trop. 

Le pichet d'eau tombe à terre alors qu'Atridès réprime avec peine un cri de douleur morale. 

 Qu'est-ce que c'était ?

 Atridès ? Tout va bien ? Atridès !?

Oui... Ça va... Désolé ! Je vais nettoyer... , dit-il en se levant, encore un peu chancelant. Il se tient la main qui a effleurée celle de la grecque.
Je... Il y avait tellement de monde... Je n'ai jamais ressenti ça. Comment peux-tu supporter, ça, Latrelle ?

 Tu parles du Choeur ? Ça ne me dérange pas je trouve ça plutôt...joli. Mais c'est rare, de l'entendre.

Atridès s'est déjà mis à genoux pour ramasser les morceaux du pichet, puis il se met à la recherche d'une serpillière pour éponger l'eau au sol.

Tu veux bien en parler ? Du Choeur ?

 Eh bien parfois, quand je médite ou que je prie, j'entre dans un état harmonieux. J'entends le monde, et c'est comme si j'étais connectée à tous ceux qui, eux aussi, dirigent leurs sentiments à la fois vers l'intérieur et l'extérieur. Et je partage leurs pensées. Elles sont inintelligibles, mais souvent une d'elle ressort du lot. Cette fois, c'était plus fort que les autres fois... Et je ne priais pas ! Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je ne sais pas exactement... J'ai senti comme des centaines de personnes qui me parlaient, qui me priaient, subitement... Trop d'un seul coup. Et leurs émotions étaient négatives. Très négatives !

... En tout cas, ça explique beaucoup de choses.

 Ça arrive dans trois, deux, un...

 Si tu peux m'expliquer, je peux t'aider, je.. peux te servir de guide, si tu veux !

Non, non ! Quand je disais que ça explique beaucoup de choses, je me parlais à moi-même, des événements que... Je vous expliquerai ça, mais pas tout de suite.

Mais par contre, on peut essayer de comprendre tout les deux... Ton pouvoir, ça à l'air de se rapprocher du fait d'entendre les  prières, chez les Dieux. Je suis loin d'être un expert, c'est tout récent pour moi, mais...

On peut essayer ! Le mieux, ce serait d'avoir un télépathe qui nous aide, pour être sûrs qu'on parle de la même chose. Mais il faudrait que ce soit quelqu'un de toute confiance. Ton pouvoir, mon statut, il faut que ça reste secret. C'est peut-être une question de vie ou de mort...

 Je connais pile la bonne personne. Mon professeur. On pourrait y aller ensemble après manger ?

 Alors ça c'est typique ! J'amène UN garçon ici, et il faut que tu te l'accapares. 

 Oui, quelle trainée, vraiment. Un premier rendez-vous chez senseïn ça pue le sexe.


 Oh ça va, Cora !

Rapidement, Latrelle et Atridès décident de terminer leur repas, et s'échappent dans les rues plus calmes que Shan et la sarcastique Cora. Une fois dehors, JAke ne peut réprimer un rire bien gras, très humain, ce qui choque assez Latrelle pour qu'elle enchaîne et naturellement, Atridès suit. Toute cette effusion de Shan était ridicule, et ils discutent un peu en allant chez "maître YnZeta".

Latrelle raconte son enfance en échange de vérifications sur tout ce qu'avance Atridès depuis son arrivée. Elle a du mal à le croire, mais semble le vouloir. Elle vient d'une famille grecque, mais son père, rebelle, a quitté la famille malgré leur haine des mutants pour sa mère, une ancienne militaire toujours en vadrouille. Morte sur le front alors qu'elle n'avait que trois ans. Quand Latrelle a été diagnostiquée mutante, son père s'est réfugié ici avec elle. Cela fait huit ans.

Et puis finalement, ils arrivent devant une petite maison très basse, sans fioritures, si ce n'est un panneau holo devant l'entrée. On peut lire en lettres grecques : Y-N-Z

Atridès fronce les sourcils en voyant l'alphabet.

Il est grec, ton maître ? J'aurais cru qu'il serait asiatique.
J'ai vu plein de film terrans, et les maîtres en méditation et en arts martiaux, c'est toujours de vieux asiatiques...

 Tu sais, c'est un peu un cliché de nos jours, surtout ici...

Sur cette planète, 80% de la population est originaire de l'Asie terrestre. Cette assertion n'est pas si folle, enfants. Bienvenue, Latrelle. Qu'a-donc apporté le vent du destin sur mon seuil ?  

Salut ! Tu peux m'appeler Atridès.
Et toi, qui est-tu ? Maître YNZ, d'accord, mais... Tu es une Intelligence Articielle ? Un robot ? C'était toi qui entraînait tout le monde, là, toute à l'heure, au temple ?

Latrelle rougit derrière Atridès, mais le robot est impassible. 

 Non, je suis né dans la famille de Latrelle, et je l'accompagne dans son développement. En échange, elle m'accompagne dans le mien. Je vois que vous ne savez pas pour les nouveaux cerveaux positroniques. Voyez-vous, depuis que les esprits sont digitalisables, il est aussi possible de les créer artificiellement. Nos cerveaux, à l'origine conçus pour stocker des esprits humains, sont aussi capables que le vôtre de sentiments et de croissance. Pensez à moi comme à un homme dans un corps de métal. Cela aide souvent les organiques.

 Bref. Yn, j'ai amené Atridès parce qu'il avait besoin d'un télépathe. Vous avez toujours le module de scan cérébral ? 

 Oui et non, je l'ai modifié pour y avoir un accès plus pratique. Je peux l'adapter à mon corps pour l'utiliser. Mais je le trouve lourd.

Non, attends, Latrelle !

On peut peut-être faire sans. Peut-être.

 Vraiment ?

 Et si vous m'expliquiez de quoi il retourne ?

 Oh, c'est assez simple... Latrelle a un une sorte de pouvoir, elle cherche à le contrôler, et moi... Eh bien, il semble que je rentre en résonance avec ce truc.

... Comme je n'ai pas grand chose d'urgent à faire ici, je me suis dit que je pouvais aider, et donc... Voilà !

 Un télépathe vous permettrait de partager les sens de l'autre... C'est là votre idée ? Si oui, mon appareil peut faire mieux : nous pouvons enregistrer ces impressions.

Ah mais, c’était carrément l'idée ! Vous êtes vachement malin ! Mais le truc, c'est que c'est vachement personnel... Enfin, je ne sais pas trop si...

... 'Fin, tout ça, il ne faudrait surtout pas que ça sorte d'ici, on est d'accord, Senseï ?

 Toute information relative à Latrelle, je la garde avec mon existence entière. Si vous en faîtes partie, cela vaut pour vous.

 Légalement, YnZ est mon frère selon les papiers locaux. On peut lui faire confiance, sa vie est dévouée à l'épanouissement de l'esprit.

 Vous devriez vous installer, je reviens avec l'appareil... et du thé. 

Alors que le moine robotique s'absente, les deux jeunes gens se regardent en silence. Latrelle semble la plus impatiente, car c'est elle qui le rompt.

 Alors, dis-moi ce que tu veux faire exactement. Qu'on soit prêts.

Oui. En fait, rien de bien fou... Juste refaire ce que l'on a fait tout à l'heure !

Mais bon, cette fois-ci, on sera préparés, donc, ça se passera de façon bien plus fluide. Et si on peut être mis en connexion télépathique, on saura ce qui se passe chez l'autre, on comprendra mieux le truc...

Je te prendrai la main, et on verra bien...

 D'accord. J'aurais cru qu'on se focaliserait sur une chose commune. Mais c'est vrai qu'on ne se connait pas bien. Tu as déjà médité ?

Méditer ? Le truc des prêtres et des Saïyajin ? En effet, la quasi-totalité de ses connaissances sur l'Asie viennent de ces "animes" conseillés par Laurelson. Qu'il a dévoré. Surtout Dragon Ball. Et ses suites.
Non, jamais essayé...

... Et puis pour les trucs en commun, on n'en a pas trop, pour l'instant. 'Fin, je sais pas, on peut chercher !?

Le robot-moine revient avec un appareil sous sa robe, qui lui donne à présent l'air d'un robot-bossu. 

 Je crains que nous n'ayons pas le loisir d'enseigner la méditation immédiatement. Dîtes-moi, le talent que vous possédez, Atridès, en quoi consiste-t-il ?

 Euh... Il dit être un dieu grec, Ynz.

 Je ne comprends pas, Latrelle. Est-ce de l'humour ? D'habitude, ton humour est... drôle.

 Non, je promets que c'est son histoire, et que... Je le crois.

Ca expliquerait surement le chien qui parle.

 Ça alors. Vous êtes ventriloque ?

Non. C'est mon pote Jake qui vient de parler...

Sinon, pour le coup d'être un Dieu Grec, c'est bien ce que j'ai dit à Latrelle. Je ne m'en vante pas trop d'habitude, parce que ça ne m’attire que des problèmes, mais bon, vu que son pouvoir semble être lié à ça... Je me suis dit qu'il fallait prendre le risque.

Et si vous ne me croyez pas, je suis prêt à le prouver. Mais je ne sais pas trop comment... Vous avez une idée, ou vous acceptez l'idée et on passe à la suite ?

 L'analyse de votre voix me suffit. Si vous n'êtes pas un dieu, en tous cas vous pensez l'être. Et cela est parfait. Voyez-vous, je suis dénué d'âme. En tous cas, c'est ma théorie. J'ai un esprit et un corps, mais le sentiment m'est familier mais pas ressenti. C'est un concept que je comprends. Cela m'aide à aider Latrelle, mais c'est aussi un manque. Vous pourrez peut-être m'aider à le combler. Je vous en prie. Ce que vous faisiez plus tôt... Faîtes le de nouveau, et j'observerai. 

D'accord... On a simplement eu un contact physique. C'est ce qui a tout déclenché.
Donc... Atridès présente sa main à Latrelle. D'un seul mouvement, ils entrent en contact. Soudain, les voix reprennent, et Tout le corps de Latrelle se détend. Elle arbore un sourire qui évoque la plus belle mélodie du monde. Atridès, lui, se sent comme un suricate. De tous côtés son attention est attirée, c'est plus fort que lui, et chaque prière est celle d'une personne qui a besoin d'aide. C'est beaucoup, pour un si jeune demi-dieu. Moralement, ne pas répondre à une prière est la pire des choses, et devant cette mer de suppliques, on ne peut que se noyer. 

La voix monocorde du robot les interrompt, mais juste assez pour être perçue. Rien ne pourrait séparer les deux humains proche de la transe. Il dit : 

 Latrelle. Concentre-toi sur lui, pas sur les voix. Ton ami est en peine.

 Quoi ? Oh. C'est vrai. Elle prend son autre main dans la sienne, et soudain il entend le chœur mélodieux dont elle parlait. Chaque voix est comme rangée, à sa place, dans un chœur qui ressemble à l'ensemble des prières, et plus à cette cacophonie qu'Atridès craint plus qu'autre chose. 

Le robot sonne un gong. Son long son lancinant se mêle à la sensation, et en fait un moment parfait qui dure autant que la note elle-même. Ils s'abandonnent à deux à cette image sonore, toute une planète unie dans une danse mystique faite de chants d'énergie. Tous les désirs et les besoins, les aspirations et les rêves. Certains sont beaux et d'autres fous, certains éphémères et d'autres longs. Certains, rares, vivent leur rêve et d'autres le fabriquent ou le regrettent. Et puis Atridès sent, pas si loin, quelques âmes incroyables. Sur Théopolis, il les aurait appelés des Héros. Ici, qui sait qui ils peuvent être ? Bons ou mauvais, leurs rêves sont grands. 

Par curiosité, d'un commun accord, Latrelle et Atridès se penchent sur le plus proche. Le gong résonne. Les deux jeunes gens tendent leur oreille, pour écouter ses prières. 


C'est Lui... ! Atridès fronce les sourcils en utilisant instinctivement sa voix divine.

...  Où est-il ? C'est lui, le danger...

 Quel danger ? Atridès, amenez-vous le péril en ces lieux ?

Non, Maître. J'amène la connaissance du danger. Ça fait une sacrée différence...

 J'ai senti un monstre... qui voulait dévorer un enfant !

Oui. Et malheureusement, ce ne sera pas le dernier à être dévoré.
Je dois le trouver, et vite. Pour empêcher un futur probable d'arriver. Je... Je suis désolé de parler de façon cryptique. Mais je ne sais pas ce que je dois dire ! Si ça peut empirer ou améliorer les choses...
J'ai beau être un demi-dieu, je ne suis pas omniscient ni omnipotent, malheureusement. Si c'était le cas, eh bien... Il soupire. Tout irait mieux pour les mortels.

Je crois...

 Si c'est une affaire divine, nous ne devrions pas nous en mêler, Latrelle. Et sinon... Eh bien je pense que nous ne devrions pas nous en mêler. Le chemin est...


 Non ! Savoir qu'un tel monstre existe sur cette planète, et ne rien faire ? Je refuse.

Ton maître a raison. C'est très dangereux. Moi, je te conseille d'oublier tout ça. Je pense que je peux m'occuper de ce type seul. ... 'Fin, seul avec Jake.

Mais, si tu t'obstines... Eh bien, il y a des choses que tu devras savoir.

... Prend ton temps et réfléchis bien avant de répondre. Si tu continues, tu risques ta vie. Et je ne veux pas... 'Fin, tu comprends, Latrelle.
La phalange, ce n'est pas pour tout le monde... Ici, du moins.

 On peut alerter les autorités.

Bah... Il vont nous prendre pour des illuminés. Une histoire de dieux, de prières entendues, de prémonitions et de monstres qui mangent des enfants... Ça ne passera jamais.

Mais on peut le tenter quand même. Je voulais rencontrer le dirigeant de la planète, donc, "d'une pierre deux coups", comme on dit !

 Si tu ne veux pas que j'intervienne, je peux au moins trouver un moyen détourné d'alerter l'opinion publique. On sait où ça va se passer, il faut faire quelque chose ! 

 Vous avez une localisation ? Une fois assez près je pourrai prendre sa trace. Pas de temps à perdre, Atridès.

Pour ce qui est de la localisation, le demi-dieu a une vague idée, mais la direction, elle, est aussi claire que la distance. En gros, deux cent kilomètres dans cette direction générale. Il sait qu'il est question de forêts et de lacs. Ça devrait aller, avec les cartes qu'il a acquises..

Oui ! Enfin, l'opinion publique, je ne sais pas trop... Ça t'exposerait beaucoup, et je ne suis pas sûr que ça aide. Mais quelques personnes bien choisie, oui. Oui, c'est une bonne idée.

Et pour trouver l'endroit, avec Jake, on devrait y arriver... Non, on va y arriver !

Juste une chose, avant d'y aller... Il faut que l'on se prenne une heure, à deux. Que je te montre une chose ou deux... C'est important.

 Reviens vite.

Oui, promis.

Sinon, le truc que je voulais te montrer... Les prières, tu sais... En fait, c'est important pour ceux qui prient, et aussi pour ceux qui les reçoivent. Mais pour nous, ça pourrait aussi servir à communiquer... A travers le temps et l'espace !

... Alors je voulais essayer avec toi. Voir si ça fonctionne, si tu y arrives.

 Rassure-toi, les hommes savent toujours prier. Ils manquaient juste de foi jusque là mais.. ça devrait aller, maintenant. 

Atridès sent qu'il aime bien cette fille, et soudain il réalise qu'elle croit vraiment en lui. Comme Jake. Comme Mia et tous les gens qu'il apprécie, en fait. Non seulement il aime les gens qui croient en lui, mais ça semble réciproque. Et il peut sentir cette foi. Elle l'a, et si elle l'a, elle l'a. Ce je-ne sais quoi, elle l'a.  Aucune prière, formulée de telle ou telle manière, ne l'aidera plus que cela : Atridès sent déjà cette petite partie d'espoir au fond d'elle venir s'ajouter à l'énorme réserve dont Atridès dispose. 


Il part confiant, et elle a au moins compris que si elle lui parlait, il pourrait bien l'entendre. Le principal est là.

Le demi-dieu et le chien quittent la demeure du robot en hâte. Mais rapidement leur course se fait rattraper par la réalité. Il y a des centaines de kilomètres à parcourir ; il va falloir trouver autre chose que courir derrière le chien.

Dis, Jake, on se prend un... Comment ils appellent ça déjà, les terrans ? Un taxi, c'est ça ?

Atridès cherche quand même le crédit-tube que lui a donné sa mère avant de partir, et l'examine. Histoire de savoir ce dont il pourra disposer. il trouve comment l'allumer facilement, et l'écran affiche immédiatement la somme disponible. Cette somme a quatre zéros, et commence par un trois. Ça semble beaucoup.

Le transport est un peu loin mais après une étude des cartes de transports, un train passe sur un pont là où la mer forme une croix avec les terres. Tous les signes convergent. Dans le train, Atridès est parmi un des peuples les plus civilisés et contenus de la galaxie. Tous prennent garde au bruit qu'ils émettent, les enfants sont les seules sources sonores. Le placement est libre et le train gigantesque, aussi Atridès peut-il choisir d'être seul ou pas.


Sans trop réfléchir, par instinct, il se place dans dans un wagon où se trouve le plus de bruit, de monde.
Sans pour autant se coller à côté d'un autochtone. Sur un côté libre. De toute façon, vu ses paquets volumineux - son épée et son bouclier soigneusement enveloppés, sans compter ses affaires de tous les jours - il n'a pas vraiment le choix.

Il profite du voyage pour se reposer, gratter la tête de Jake, et faire une ou deux grimaces marrantes aux gamins qui croiseraient son regard.
Atridès regarde également les cartes qu'il a acheté. Lacs et forêts, 200 kms : c'est ce qu'il a vu. Autant essayer de trouver l'endroit. Même s'il a vu aussi cette "croix" d'océan dans ses visions antérieures... Ça aussi il va falloir y penser. 

Alors qu'il observe la carte sur son communicateur de poignet, un voisin lui sourit. C'est un jeune homme a l'air sérieux, qui voyage seul au milieu des familles, comme lui, et il commente.

Oh, vous vous intéressez à la croix de la mer ? Attention aux disparitions, haha ! 

Oh, vous ne savez pas ? C'est un endroit où les aventuriers en herbe se perdent souvent. On le dit hanté. Ce qui est idiot pour une portion de terre aussi large. C'est principalement des forêts et des lacs. Otomo, enchanté. 

Le jeune homme lui serre la main, et soudain une auréole de feu apparaît autour de sa tête. Ça ne semble pas le gêner. Une plaie béante s'ouvre sur son coeur, et du sang et des flammes s'en écoulent, mais ça non plus, ça ne semble pas le gêner. Ni les autres occupants de la cabine, d'ailleurs.

Euh... ça va ? Normalement c'est ton tour de te présenter, je crois que c'est l'étiquette.

Oui, oui... Ça va. Je m'appelle Atridès.
Et vous ça va ? Vous... Il tend sa main libre vers l'auréole de feu autour de sa tête, jusqu'à arriver au contact. ... Vous êtes étrange.

 Oui, j'imagine que pour un étranger tout ici doit sembler étrange. C'est un joli nom, ça, Atridès, ça vient d'où ? Demande Otomo, avec son cœur en feu. Il a mis un temps à répondre, quelque peu choqué, mais il reste très poli. Même Jake regarde Atridès bizarrement, maintenant. Il ne doit pas voir ce que le géant voit...

C'est grec. Une ancienne civilisation terrane. Mes parents l'aimaient beaucoup. Le demi-dieu jette un œil à Jake, puis reporte son attention sur Otomo. Il avance doucement sa main vers le cœur du garçon, sans le toucher.

Tout cela doit sembler très étrange.

Vous êtes religieux ?

 Oh non, pas vraiment. Je pense qu'on peut dire que je prie en ce moment, mais... Même s'il y a quelques cultes sur la planète, je crois que la plupart des gens sont athées. Moi aussi. Et vous ? Vous ne me frappez pas comme quelqu'un de croyant. D'ailleurs, par pitié, ne me frappez pas. Debout vous devez être immense ! Ma... Une amie me disait souvent que je parle trop. Je crois que je recommence.

La flamme s'intensifie alors qu'Atridès se dit que c'est typiquement le discours d'un homme qui vient de perdre sa femme. Soudain la compréhension se fait : Son cœur est en feu, et il saigne ! Atridès n'a pas vraiment de vision. En touchant cet homme, il a juste lu en lui. Il lit ses prières. Mais il n'est pas familier avec ce nouveau talent. Cet homme doit prier souvent pour retrouver l'amour perdu, c'est tout. 

Ou alors il va mourir dans la minute. Une de ces théories doit forcément faire sens.

Bah non, je ne trouve pas. En tout cas, ici, on a du temps. Il ne se passe pas grand chose. Donc, parler, c'est une bonne chose. Puis il met les pieds dans le plat.

Donc, votre petite amie est partie ?

 ... Ça se voit tant que ça, hein... J'aimerais que ce ne soit pas le cas. C'est pour ça que je rentre aux Grands Lacs. La ville, très peu pour moi, finalement. Je vais faire une pause en famille.

T'as raison, mon pote. La famille, c'est le plus important...

Tu sais, mon pote, les filles, c'est comme les poissons. Ça te glisse entre les doigts aux moment où tu penses l'avoir... Mais, comme les poissons, il y en a partout... !

... 'Suffit d'être patient et d'avoir un bon appât. Il faut juste rejeter à l'eau les plus jeunes en attendant qu'elles grandissent, et mettre de côté celles qui ne semblent pas fraîches ou pas trop appétissantes. Après, si t'as la dalle, tu bouffes ce que tu peux, hein ?

... Mais bon, la pêche, c'est un art, ça se travaille. Après, si on veut chopper une bonne grosse carpe, 'faut apprendre les techniques.

... Plus Atridès parle et plus le coeur d'Otomo brûle. En fait, sa peine déteint finalement sur son visage, malgré une vie passée à cacher ses sentiments comme pas mal de gens d'ici...

Donc, sinon, tu habites la région des Grands Lacs ? C'est loin de la Croix de la Mer ?

 Oh, non... les lacs ont été formés par une grande crue il y a longtemps, à ce qu'il parait. A partir de la mer, donc. Ils sont réputés pour leurs eaux aux propriétés particulières. Rien de magique, hein, mais il y a pas mal d'Onsen dans mon coin. 

... Des bains publics. C'est vraiment le top, tu devrais essayer.

Je vais essayer ! Merci du tuyau, mon pote !

... Et toi, tu dois t'exercer à la pêche. On s'en fout de foirer... Tu sais, il y a un gars qui a dit un truc du genre : " On n'échoue jamais. Soit on réussi, soit on apprend."
Et la fille, là-bas, elle est vachement mignonne, dit-il en indiquant une jolie jeune femme assise seule sur un strapontin, lisant un livre. T'es un beau gosse à lunette, t'as l'air d'un intellectuel plutôt gentil, tu dois être son genre. Le bon appât. Et même si tu n'as pas envie d'elle, ça te fera de l'entrainement pour celle que tu veux vraiment.

... Allez, casse-toi, t'as bien mieux à faire que de parler avec moi. , dit-il en lui mettant un gentil petit taquet - contrôlé - sur l'épaule.

 Euh.. tu crois ? Je sais pas... Je saurais pas par où commencer.

Pffff... T'es un malin, tu vas trouver une stratégie. Ça tombe bien, tu as un peu de temps pour y réfléchir.

Et la stratégie, ça commence toujours par avoir des informations sur l'adversaire. Ses habits, la façon dont elle se tient, le bouquin qu'elle lit, d'autres choses encore...
Ensuite, connaître ses forces et ses faiblesses. Utiliser les premières, compenser les secondes.
Enfin, donner des ordres s'il le faut. Si t'as besoin d'un bon petit soldat pour te donner un coup de main, je suis là !

... Et après, à l'attaque !

Un long silence s'ensuit, en tous cas de la part d'Otomo. Mais finalement, il se lève, va voir la fille, et le montre du doigt. la fille rit. Il s'assied. Et Atridès retourne à sa carte. Son communicateur vivant lui suggère une page explicative sur les Onsen et les trois d'entre eux qui sont sur sa route, le tout par écrit et vibrations.. C'est quand même pratique : depuis qu'il l'a, il n'a qu'à regarder son poignet et l'appareil lui explique de quoi parle son interlocuteur. C'est moins bizarre que quand il demande à son chien, paraît-il.

Le voyage se poursuit calmement et d'après la carte, il doit quitter à la station de "Neo Kansai". Il descend donc et la gare donne directement sur un grand escalier, majestueusement orné de nature et d'arches de bois sculpté, une oeuvre d'art intégrée à l'environnement. Un appareil automatique descend les autres passagers, mais il ne peut s'empêcher de le descendre à pied. Et Jake est d'accord.

La longue descente lui permet de voir Neo Kansai et même ses environs, tant ils sont haut sur le plateau. Au loin des collines et des vallons, des lacs et des brumes, et des arbres par milliers. La ville semble être la dernière ville avant la côte, où l'on ne trouve que des installations ou des villages, mais pas d'agglomérations.

Après la longue descente, il peut passer outre la ville et couper par la majestueuse forêt, ou se trouver un hôtel pour la nuit.


Bon, bah, c'est bien... On a fait pas mal de chemin, aujourd'hui, notre trajet avance bien. , dit-il à Jake.
Et ce soir, auberge et onsen ! La classe ! Je ne me suis jamais baigné dans des sources chaudes, et la bouffe ici est vraiment sympa... Ça va être une bonne soirée !
.... J'espère juste qu'ils acceptent les chiens dans leurs piscines naturelles.
C'est pas gagné. Au pire, on s'y faufilera de nuit !

Après une longue mais vivifiante marche forcée sur les flancs de la ville, les deux amis finissent par arriver au site de l'onsen, à l'est de la ville. une série de bungalows élaborés borde un lac fumant. Tout le lac semble assez chaud pour que, la nuit approchant, la vapeur produite par la différence de température crée une arme d'invasion intégrée au paysage.

Ce serait dommage de se priver. On fait ça en silence, et j'envoie deux doubles monter la garde ?

Bah, on s'en bat les couilles, non ?

De toute façon, si tu montes la garde et que des gens se ramènent, on se barre, et si tu ne montes pas la garde et que des gens se ramènent, on se barre...
Donc : on s'en bat les couilles ! Et puis s'il y a des gens, avec un peu de chance on pourra toujours les embrouiller.

... Profite, te fais pas chier, mon pote !

Et donc, Atridès prend la tête du binôme pour se rendre vers les sources chaudes... Discrètement, quand même.
Il a déjà déposé son paquetage dans un endroit bien dissimulé, recouvert de feuillage, et a retiré sa chemise et son pantalon. En fait, il n'a emmené avec lui qu'une bonne bouteille d'alcool et quelques en-cas. Ainsi que son communicateur vivant, qui a prouvé son utilité. Le lac est à la température du corps, alors que l'air est froid. La sensation est vivifiante et paradoxalement, on voit mieux sous l'eau. Ce qui donne une idée à Jake : Son corps se déforme et prend la forme d'un poisson, à tête de chien et plein de fourrure, mais tout de même. 

Il part explorer les fonds.

 Je reviens !

Atridès remonte, et se prélasse un moment, la tête au frais. Il prend le temps de récapituler. Cette bête ne doit plus être loin, désormais. Et il sait qu'elle doit déjà avoir tué. Il tente de se remémorer le reste de ses visions, et pense un moment à l'épice. C'est sa clé pour changer la dynamique de cette affaire à son avantage. Mais il lui faut l'utiliser à bon escient. Dans sa première vision, Latrelle l’appelait au secours. Dans une forêt. La bête était couverte de sang, si rouge qu'il l'avait prise pour Circé. Elle avait des ailes, et une forme presque humaine.

Atridès se doit de planifier. Pas son fort. Consommer de l'épice serait une solution, bien sûr, un très bon outil. Le meilleur, en fait : cela garanti un coup d'avance. Mais il ne faut pas l'utiliser maintenant, pas tout de suite. Un ressenti.
Il réfléchit. Que doit-il faire, là, maintenant ?

Plusieurs idées lui viennent. Il a son communicateur. Il pourrait prendre des nouvelles de Latrelle, de Shan, et de sa mère. Peut-être de nouvelles informations importantes. Ou partir pour la forêt. Traquer la Bête.

Mais sans savoir où aller. Non... Atridès est content de se délasser après cette longue journée, il se sent bien dans cette eau chaude, et puis, de toute façon, Jake est occupé à faire son baptême de plongée...

Aussi appeler sa mère et ses nouvelles amies semble être la première chose à faire pour l'instant, maintenant qu'il se sent détendu...
Donc, il utilise son communicateur et lui dicte en tout premier le numéro que lui a donné Latrelle.

Allo, Latrelle ?

 Ça alors, je pensais justement à toi ! Tu... Tu l'as trouvé ? L'homme-animal ?

Non, pas encore.
Mais je suis arrivé dans le coin... La, il va bientôt faire nuit. Je préfère attendre le matin pour reprendre la chasse.

Donc, bon, en attendant, je suis en train de me détendre dans un onsen... Super ce truc !

Et toi, de ton côté ?

 J'ai contacté les gardes forestiers de la région et leur ai dit qu'une famille avait disparu de chez eux. Je leur ai dit que je n'arrivais pas à les joindre mais que je n'avais pas l'adresse exacte. Ils enverront peut-être des gens vérifier les maisons isolées. Je sais exactement  où tu te trouves, c'est fou. Et il y a quelqu'un d'autre encore, près de toi, qui émet une forte aura.

Sûrement mon pote le chien...

Jake remonte à la surface, accompagné de quelques bulles. 

Ah bah, quand on parle du loup, ou plutôt du chien, on en voit sa queue !
Il arrive...

T'as entendu ça ?

Nan, j'ai rien entendu...  Un problème ? , dit-il en s'étirant instinctivement les épaules - petit craquement - , puis en jetant un regard derrière lui. En prêtant l'oreille aux détails, à part la voix de Latrelle dans l'appareil, il peut discerner de réguliers grognements, comme si quelqu'un se battait en direction de la forêt.

Latrelle, je te laisse, je crois que j'ai quelque chose... Et il raccroche.

Le demi-dieu sort de la source chaude, s'enroule une serviette autour de la taille, puis se dirige vers le bruit de lutte. Il ramasse une bonne grosse branche d'arbre en l'arrachant net dans sa course, au cas où...

Et il doit maintenir quelques minutes sa vitesse de pointe, suivi de près du chien, pour voir dans les abords de la forêt une forme humanoïde repliée sur elle-même, et ses bras sont tels des ailes de sang qu'il utilise pour fouetter l'air devant lui, heurtant les arbres alors qu'il tente de saisir un homme doté d'une pique électrique. Les dommages sur les arbres valent ceux d'Atridès sur la branche. Aucun des deux belligérants ne semble vouloir engager réellement le combat, et tous deux peinent à se défaire de l'autre. 

Atridès veut intervenir, mais avec l'effet de surprise. Aussi, il court vers le combat, mais plutôt sous le couvert des arbres, et sans crier des "Hé Ho ! Qu'est-ce qui se passe là ?"... Ça a été son premier réflexe, mais il l'a contenu.

Il se rapproche vite. Et essaye d'entrapercevoir d'autres détails. La créature, mal à l'aise parmi les arbres, essuie une attaque électrocutante, puis deux, et finit par reculer. Enhardi, l'agent (car il semble porter une sorte d'uniforme vert à casquette) avance de plus belle. Pour Atridès, ça semble étrange. La chose a clairement l'avantage en termes de puissance. 


Ses préoccupations trouvent leur raison d'être lorsque, profitant de l'avancée de l'homme, la chose met un coup de pied dans un jeune arbre, brisant net son tronc. Sans qu'il s'en aperçoive, l'agent se jette dans un piège douloureux juste pour mettre une touche supplémentaire de sa pique. Doucement mais surement, l'arbre se prépare à s'effondrer et la créature ne recule plus.

Atridès bondit de son abri et rejoint le combat. Il enjambe quelques buissons, bondit contre un arbre et s'interpose entre les deux combattants, qui reculent tous deux, pris de surprise. De sa main gauche, le géant maintient le tronc menaçant de basculer en place. De la droite, il tient sa branche tendue devant lui, vers le monstre.

Oh putain ! T'es qui, toi ?

Que ? Merci, citoyen ! Recule, il est dangereux !

 C'est toi qu'est dangereux, tête de con ! Merci de la diversion, mon pote ! Ciao ! 

Et le monstre-adolescent, large comme Atridès mais moitié moins de sa taille, se retourne pour bondir sur ses bras de sang.

Ehhh ! Minute ! Je veux te dire deux mots ! Atridès, ne portant toujours qu'une serviette autour de la taille, son habituel bandana, et une massue au poing, se rue à la poursuite de l'adolescent en repoussant le tronc vers l'arrière.

'Gaffe à l'arbre, citoyen !

Jake prend le temps de laisser un double ramasser quelque chose en arrière, et entame de rattraper Atridès à la course ; la forêt, malheureusement pour l'homme-de-sang, est le terrain favori des deux sources. Aussi la distance se creuse-t-elle vite. Il finit par abandonner l'idée de courir, et choisit la vieille souche gigantesque d'un ancien arbre massif pour se poser en hauteur par rapport à ses poursuivants. Essoufflé, il retrouve petit à petit une couleur normale, plus une goutte de sang sur lui.

T'es vachement... Rapide... Pour ta taille.

Ouais... Les filles ne me disent jamais ça, mais on va dire "ouais"...

Bon... Tu descends, gamin ? Je ne te ferai pas de mal, promis. Tu vas pas rester tout seul dans cet arbre, quand même ?

 Qu'est-ce que tu veux ? J'ai pas fait tous ces trucs horribles qu'il dit. C'est pas moi, vu ? Je sais pas si c'est moi... Mais je crois pas.

Bah, on va en parler, alors... Franchement, si j'étais venu pour te péter la gueule, je ne serais pas venu habillé comme ça.

 Haha ! C'est clair.

 ... Je prenais un bain, là-bas, dans les sources chaudes.

 T'as couru un sacré chemin. Moi j'ai besoin de souffler. On peut parler sur la route ?

Jake arrive, et lâche de sa gueule un objet technologique. Un œil à son bracelet, et le communicateur affiche "Messagerie holographique - prix estimé : 30 credits." 

 Euh, je peux avoir ça ? C'est destiné à quelqu'un.

Bah, c'est pas à moi, donc tu fais comme tu veux... Mais c'est quoi, en fait ? Ça vient d'où ?

 Je l'ai trouvé dans la forêt, près de la côte. C'est le dernier message d'un homme à sa femme. Elle ne sait pas ce qui lui est arrivé, Dit-il en ramassant la petite sphère. Mais chaque fois que j'essaie d'aller en ville l'autre allumé me met un meurtre sur le dos, et les gens commencent à le croire.

Ah... Ouais. D'accord.
Les ailes qui découpent les arbres et le sang un peu partout ne doivent pas aider non plus. Bon...

... On écoute ce message et on voit ce que l'on peut faire ?

 Si tu veux. Tiens. 

Atridès tâtonne un moment avant d'allumer l'appareil mais une fois faitl, un suel message y est enregistré. Une contstruction de lumière apparaît, et à part quelques clignotements, on croirait voir un vrai homme avec un bout de ventre en moins, du sang partout, à moitié allongé. Il a l'air d'avoir entre vingt et trente ans. 


Mariko, si jamais quelqu'un trouve ça, j'y mets ton adresse. Mariko, ne vas pas vers la croix. Il y a des choses dans la falaise... et dans les bois. Je.. je ne vais pas m'en tirer, mais je veux que tu saches que je t'aimerais même après la mort. Je suis désolé de te laisser seule. Il se met à pleurer, à gros sanglots. Ses couleurs le quittent. Je... Je veux que tu refasses ta vie, pas que tu perdes ton temps à pleurer. Si tu n'arrives pas à être heureuse pour toi, alors sois-le pour moi. Je...

Le message se termine là.

 Voilà voilà. J'imagine que tu crois que tu peux lui amener, mais j'ai trouvé son mari, je pense que je devrais lui donner moi-même. Et puis... Moi aussi je viens du coin dont il parle. Je me suis réveillé un jour, dans une prison d'eau. Et j'ai du me battre pour sortir. Je serais bien allé dans la ville, mais les gens crient au démon, mutant ou assassin. J'ai tout entendu.

Mmmhh... Ouais, je m'en doute. Pas facile...

Dis, sinon, on en parle, de ce qui s'est passé il y a une ou deux minutes ?

 Bah je voulais aller en ville, mais pour éviter le malade mental je suis sorti de la forêt de nuit. Mais visiblement il me chasse de jour et de nuit, maintenant. Et un type en serviette a débarqué avec sa grosse... branche...

Ça, je veux bien l'entendre, mais... Okay, je me suis ramené en serviette avec ma grosse branche, mais toi, tu t'es ramené avec tes grosses ailes et la gueule pleine de sang.

... Et ça pose question, non ?

 Je pouvais pas me défendre à mains nues contre lui, voyons ! Et ça, pour deux raisons. Déjà, je l'aurais cassé en deux, et je suis pas un tueur. Et puis il aurait fini par m'avoir avec sa saleté électrique, là. Si tu pouvais te changer en flaque, tu le ferais. 

Dis... J'imagine que si tu dis ça c'est que même à toi, ça t'évoque un monstre, hein ? C'est si moche à voir ?

Bah, moi, c'est particulier ! Je viens de très loin...

Et puis j'ai été élevé par ce que les humains appellent des "monstres". C'était mes mamans et mes papas, tu vois, donc...  Les monstres, en fait, il y en a des biens... Et 'y en a qui font chier.

 Mouais. Tu esquives la question. Ce faisant, les voici arrivés dans le périmètre brumeux du lac. Jake les suit en silence, et une fois arrivés, ils pénètrent dans l'eau tout en parlant. 

AAaaah... J'adore venir ici la nuit. Le couvert brumeux est idéal. Mais vaut mieux parler tout bas ou les vigiles vont se réveiller...

Si tu veux. Moi aussi je suis bien, là... Atridès baisse la voix, tout en se coulant dans l'eau chaude.

Non, sinon... J'esquivais pas la question. Je la préparais, bien comme il faut. Tranquille, peinard, comme il faut, mec !

Donc, la question... Tu es un monstre bien, ou un monstre qui fait chier ?

 Sérieusement ? Ça se voit pas ? Je veux ennuyer personne, j'essaie d'aider... Et on m'insulte. Tout ce que je veux c'est retourner en ville, parmi les gens, mais je suis coincé dans cette forêt. Sans personne, sans discussion, sans nom, sans rien. C'est triste si t'es la deuxième personne à me parler cette semaine, à part tête-de-con ? 

Moi je trouve ça plutôt triste.

Ouais... Je suis d'accord.

Bon allez, tu me parles de toi et je te parle de moi !
Ça ne sera peut-être pas la discussion la plus folle de ta vie, mais par rapport à ce que tu aurais eu avec Tête-de-Con, c'est déjà pas si  mal...

Bon, donc pas de nom, l'histoire de ta prison d'eau... Des pouvoirs incroyables ! Et surtout, la première personne qui t'a parlé cette semaine ! ... De chouettes histoires. Pas sûr de faire mieux de mon côté.

 Tu pourrais déjà me dire qui t'es. Moi j'ai pas de nom, alors je peux pas trop t'aider avec ça. Mais toi tu dois bien en avoir un.

Atridès... Enchanté. , dit-il en lui tendant la main.
Détend-toi, mon pote. Pour l'instant, tout va bien, non ? ... Et putain, ces sources chaudes, c'est tellement bien...

Vas-y, parle-moi de toi... T'as l'air d'avoir une vie... Spéciale ?

 Bah une vie courte surtout. Je crois.. Je calcule aux lunes.. Je crois que j'ai trois mois.

Mhmmmm... Mouais. Bah, tu sais quoi ?
J'pense qu'on devrait aller en ville, toi, moi, et mon pote le chien. 'rapport à ton truc, là, avec l'image du type éventré.

Et qu'on va discuter, ce soir, et demain sur le chemin. Parce que t'as l'air sympa, mais ton histoire, elle est pas claire.

... Mais bon, pour l'instant, on va profiter de la source. Et puis après, se faire un petit barbecue, puis dormir. Je m'occuperai de la bouffe, Jake du poisson et du gibier - t'as le droit de chopper aussi des herbes et des racines, hein ? Pas comme la dernière fois - ...

Et toi...  Tu sais faire une cabane et un feu de camp, où je te montre ?

Les trois vagabonds partagent la forêt pour la nuit. Sans-nom trouve les bons endroits, Atridès fabrique un abri de passage et un feu, Jake ramène un animal au cou brisé. Cette partie est aisée. 

Il faut plus pour persuader le mutant. Tant qu'Atridès finit par se remémorer son visage. Dans une de ses visions, il avait vu un ami futur... Ça pourrait bien être ce type. C'est fou de savoir qui sera votre ami en avance. Malgré tout, le sans-nom finit par se laisser convaincre. Grosso modo. Le lendemain matin, tandis qu'ils discutent au réveil...

 C'est une idée de merde. Est-ce que je peux noter que c'est une idée de merde, avant que ça ne parte en sucette ? Histoire d'en retirer une satisfaction à la fin...

Qu'est ce qui est une idée de merde, mon pote ?
... C'est possible que je me plante, hein ? Les bonnes idées, c'est pas toujours mon truc...

Mais bon, mon truc, c'est de toujours partir à la bataille bien préparé. 'Fin, autant que possible... On ne choisit pas toujours !
... Là, je veux savoir qui j'aide, qui j'emmène en ville. Normal, non ?

... Tu sais, tu étais couvert de sang, tout à l'heure. Et puis plus rien. Des ailes. Plus rien. Un gars de l'autorité, armé, qui te chasse. Et qui passe à deux doigts de se faire tuer.

Si j'étais... Je sais pas... Un gars un peu moins baraqué, et qui n'a pas fait son service militaire...

... Eh bien, putain, tu me foutrais carrément les jetons, mon pote ! Ahahah !, dit-il en lui posant une main virile et amicale sur l'épaule. Les deux toujours côté à côte dans la source chaude naturelle. Soudain, il voit son ami autrement. Il est complêtement rouge, liquide, maintenu on ne sait comment en forme comme.. .comme de la gelée. A cause de son pouvoir, Atridès voit alors au travers du sans-nom. 

Oh, ça. C'est quand j'ai peur ou que je m'énerve : je change mon corps en sang. Une fois que c'est fait, je peux faire plein de formes. Tout le sang que tu voyais, c'était le mien... 

On peut voir à travers lui, littéralement. C'est rare, un individu aussi transparent. C'est comme s'il était vide, en fait. L'image est parlante ; Il semble digne de confiance, et surtout,il semble littéralement né de la dernière pluie. 

Son histoire de prison d'eau semble étrange, mais Jake, qui ne dit rien depuis qu'ils ont engagé la conversation, semble avoir bien pris le temps de le renifler, et il a l'air d'avoir trouvé quelques unes de ses pistes. Quand il croise le regard d'Atridès, depuis tout à l'heure, il hausse juste discrètement les épaules. 

Ah, c'était donc ça !

'Faudra que tu fasses gaffe ! Le sang partout sur soi, c'est pas bien vu, dans la Cité.

... Bon sinon, il faut aussi que tu te trouves un nom. Tu as le temps de réfléchir, mais moi, je te suggère un truc pas long, sinon des connards vont le raccourcir. Et un truc qui sonne du coin. Ça peut aider à faire couleur locale...

 Tout le monde m'appelle "Oni" (le démon). Autant garder ça...

Une cloche retentit. Quelques cris de hâte suivent, et beaucoup de mouvement dans la petite ville.


 Tu crois qu'ils savent qu'on vient ? Tu crois que c'est pour moi ?


...

Non, non... Je ne crois pas.
Pour toi, ils auraient envoyé des militaires, des gardes-chasse ou encore des policiers. En battue. Discrètement, tranquillement...

... Mais faire sonner les cloches pour avertir la population, non, ça ne colle pas. Il doit se passer quelque chose en ville. J'ai entendu parler d'un monstre qui rôde dans la région. Et puisque tu n'en es pas un, le vrai est peut-être là-bas !

 C'est pour ça que tu poses toutes ces questions ? Tu enquêtes ?!

Ouais. Mais je ne suis pas un flic ou un truc du genre, hein ? ... Juste qu'une de mes amies risque de crever si je ne trouve pas la saloperie qui est responsable de tout ça.
Sûrement la même chose qui a éventré le gars, là, sur tout enregistreur holo.

Je vais aller voir, avec Jake. Toi, je te propose de te cacher dans le coin, et on se retrouve après. Par contre, ce coup-ci, je vais peut-être avoir besoin de mes armes...

 Okay pour moi. Tu vas revenir, hein ?

Promis. De toute façon, on n'a pas fini notre discussion, donc...
Ah, aussi... Hésites pas à te barrer si tu sens que ça part en sucette : La Hyène qui rôde ici peut aussi s'en prendre à toi.
Jake a un flair incroyable, on te retrouvera.


"Oni" a soudainement l'air terrifié. 


 Tu... Tu chasses la hyène ? Sans moi ! 


Ah. Donc tu connais la Hyène ?

... Écoutes, là, il faut que j'aille voir ce qui se passe au village. Et je ne te demandes pas de la chasser avec moi. Mais je dois quand même en apprendre le plus possible sur ma proie. Histoire d'être préparé. Tu m'expliques ce que tu sais ? En résumé...

Ouais. C'est plutôt LES Hyènes. En fait, quand je me suis échappé, elles étaient dans les prisons d'eau. Depuis, elles rôdent dans la forêt.

Et donc, Atridès s'équipe au plus vite. Il reprend ses affaires, s'arnache de son sac à dos, par dessus lequel il fixe son hoplon. On dirait une sorte de tortue. Puis il part en courant vers le village. 

A la porte du village, marquée par une de leurs jolies arches de bois peint, des hommes en armures composites légères, armés de piques électriques, assure la sécurité de l'entrée. L'un d'entre eux le hèle de loin, et comme souvent, Atridès le voit perdre en assurance à mesure que la distance révèle les proportions du guerrier Théopolien.

Euh.. Halte-là. Gardez vos distances !

D'accord... , dit-il d'une voix tranquille.

Atridès s'arrête, pose ses affaires au sol et lève la main droite en signe de salut et d'apaisement.

... J'ai entendu la cloche de la ville sonner, alors je me suis dit qu'il fallait rejoindre la Cité. L'alarme, quoi ! Le terme "alarme", quand le jeune théopolien le prononce, résonne d'une certaine façon dans son sens originel. "A l'arme"... "Aux armes"...

 Vous avez l'air sacrément armé pour un citoyen. Qu'est-ce qui vous amène ?

Bah, la cloche !?

... C'est ce que je viens de vous dire. J'étais en train de me baigner tranquillement dans les sources chaudes quand je l'ai entendue, et donc j'ai rappliqué le plus vite possible, forcément !

Quant à mes armes, bah... C'est à moi. C'est à peu près tout ce que je possède. Je suis un ancien soldat.

... Qu'est ce qui se passe, ici ?

 Un monstre rôde. Tous les soirs, il tente de dévorer quelqu'un, depuis presque une semaine. Le temps qu'on réalise, beaucoup des habitants les plus isolés ont disparu. Si vous êtes un soldat, mon capitaine vous enrôlera à coup sur. Pour peu que vous puissiez prêter votre bras.

Je veux bien aider... En échange de trois repas par jour et d'un endroit où dormir. Mais il va quand même falloir m'expliquer !

Et donc, la cloche sonne tous les soirs ?

 Non, on rappelle tout le monde parce que cette fois, le mort est dans l'enceinte. Venez. Kodama, redouble d'attention. Je l'emmène et je reviens. Venez, soldat.

Je vous suis, officier. Atridès ramasse son paquetage et s'avance.

C'était qui la victime ?

 Un officier qui était sorti malgré les ordres, pour chasser cette bête. On vient de le retrouver. La bête l'aura suivi jusqu'ici, d'une manière ou d'une autre.

Rrrrrr..... Snif snif... RrRRRRrrrrr....

Oh ! Regardez mon chien... Il est dressé pour traquer les bêtes sauvages, et il ne fait jamais ça en ville ! Il y a quelque chose dans le coin. Sûrement votre monstre...

Cherche, Jake !

... Suivez moi si vous le voulez !

Sans attendre de réponse du type, Atridès suit son pote canidé. Et Jake n'attendait que ça pour se mettre à courir. A grand pas, il s'élance dans l'ombre Et si Atridès le suit sans souci, l'officier reste planté derrière. Dans les rues, seuls des piquiers électriques se promènent. Les autres sont enfermés dans leurs petites maisons de bois fin et de papier. 

Le premier que le chien croise s'enfuit en hurlant : 

La bête est là ! La bête est là !

Mais le chien continue. Il bifurque sur la droite, sans sourciller, et s'arrête net devant une maison. 

Là. Il est là dedans, avec une victime. Il pue la charogne et l'ironie.

D'accord... Couvre mes arrières.

Atridès s'équipe rapidement de son bouclier, et il est encore en train de sortir son épée lorsqu'il amorce un grand coup de pied chassé dans la mince porte de la maison. A travers le papier de riz déchiré et les morceaux de petit bois, l'odeur de la mort emplit les narines du guerrier. Son pied se pose à terre, puis le suivant, et il est en garde, prêt à tout. 

Devant lui, l'animal exécute un bond en arrière, laissant Atridès face au cadavre d'une vieille femme dont les entrailles ouvertes inondent la pièce d'odeurs nauséabondes.

Hihii hiihihi hiihihihi hihi ihi hi.....

Dans l'ombre de la maisonnette, seule la gueule et les yeux de l'animal semblent présents, comme si son corps avait disparu.

Tu te fous de ma gueule ? J'te garantie que tu vas moins te marrer dans une ou deux minutes... Oui : Atridès n'a jamais rencontré de hyène de sa vie. Puis il lance à son appareil vivant :

Communicateur, tu pourrais enregistrer ce qui va se passer ? Et balancer un peu de lumière avec ton truc, là.

Le champ de force du bouclier s'active, et la lumière irradie du poignet qui le tient. La combinaison des deux envoie une onde de lumière bleutée à travers toute la pièce. A la surprise d'Atridès, la Hyène, elle, a complètement disparu. 

Hihii hiihihi hiihihihi hihi ihi hi.....


 Je l'ai !

Jake bondit. Une part de lui est restée derrière Atridès, mais une autre se jette dans un coin de la pièce et ce faisant, sa peau s'écarte pour couvrir ses pattes. On dirait une sorte de cerf-volant, qui se replie sur la forme invisible de la chose.

Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

Bien joué, Jake, t'es le meilleur !
Dis, tu pourrais me laisser un accès à sa nuque ? Je sais même pas où elle est...

Atridès rengaine son épée et remet son bouclier en bandoulière, histoire d'avoir les mains libres. Il compte bien chopper la bestiole par le cou. Ses années de chasse en forêt lui on apprit à attraper un animal sauvage, certes pas de manière conventionnelle, mais quand on a une force comme la sienne, les techniques optimales évoluent. La créature se débat comme un démon, mais les poignes combinées des deux sources sont d'un autre niveau. Après avoir subi des morsures trop faibles et mal coordonnées pour percer sa peau, Atridès se saisit du cou de la créature, qui réapparaît alors. 

C'est une sorte de chien moisi avec des tâches plus sombres par ci par là. Sa gueule pleine de sang, ses yeux ne reflètent aucune intelligence.

 Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

Allez, sshhhhhhhhhhhuuuuuuuut, calme, mon gros... Ma grosse ? Atridès lui soulève une patte arrière de sa main libre pour voir son sexe. C'est un mâle. Moi, je ne vais pas te faire de mal, mon gros.

T'as vu, Jake ? C'est bizarre... Il avait l'air vachement malin tout à l'heure, et là... Vachement moins ! T'as senti un truc changer ? , dit-il en sortant de la maison, tenant toujours la créature par le cou.

 Non. Mais je suis déçu, ce n'est pas l'animal intelligent que je m'attendais à trouver.

Bah oui, je pense comme toi, mon pote. Il y a un truc louche, la-dessous.
Je te propose de le ramener aux gardes. On va se faire bien voir, avoir nos entrées ici, essayer d'en apprendre plus.

Et revoir Oni. le coup de la prison d'eau et des Hyènes, je suis sûr que c'est la clef de tout ça...

 NON MAIS QU'EST CE QUE VOUS FOUTEZ.... Oh Buddha, il... vous... LES GARS ! ON L'A EUE ! ON LA TIENT ! PAR ICI !

Paradoxalement, la foule d'officiers plus ou moins conscrits récemment est trop excitée pour écouter les avertissements et les négations de leur nouveau héros. Rapidement, la créature est criblée de dards empoisonnés, et elle finit par cesser de gigoter. 


Les agents de l'ordre se rassemblent ensuite pour célébrer la victoire. 


 Trois repas par jour et un logement, hein ? Avec ce que vous venez de faire, cette maison, on vous l'offre, si vous en voulez. Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous êtes officiellement citoyen d'honneur. 

Ça, c'est bien, "citoyen d'honneur" !
Mais la maison, j'en veux pas... J'veux juste un endroit où crécher un ou deux jours. Sinon, au pire, je dormirai dehors. Pas grave. Je voyage tout le temps, donc, rien à foutre.

... La maison, faites-moi plaisir, donnez-là à un gars qui en a plus besoin que moi ! Un brave gars.

 ... Okay. Pour les repas, je crois pouvoir dire sans m'avancer que vous serez couvert aussi.

Parfait ! Vous rajouterez trois repas par jour pour mon chien aussi. Il l'a bien mérité. Jake préfère la viande de poulet. Mais le bœuf, il aime bien aussi. Avec les os. Ceux qui ont de la moelle, bien sûr...

... Sinon, on peut parler en privé, officier ?

 Bien sur. Après avoir congédié les hommes partis faire la fête et en avoir cantonné quelques uns à faire enfermer la bête et la surveiller jusqu'à nouvel ordre, l'officier revient vers Atridès. Que puis-je faire pour vous ?

Bah... J'aimerai bien rencontrer votre capitaine.

Parce que je n'ai pas envie de vous faire peur, mais ce n'est pas fini...

... Cette hyène, je suis certain que ce n'est pas la seule à traîner dans le coin. Il y en a d'autres. J'en suis certain. Et il vous faut une stratégie, sinon, le carnage va continuer.

 Vous voulez rire, n'est-ce pas ? Il n'y a déjà pas d'animal de ce genre sur la planète, alors sa présence est suffisamment anormale comme ça. N'allez pas me dire qu'il y a une meute de ces choses... On parle de combien d'animaux ? Et si... Et si ils se reproduisent ?

Bah, je ne sais pas de combien on parle. Le type qui m'a révélé l'existence de ces bestioles a seulement dit "les hyènes"... Pluriel. Donc pas seule. Je ne sais pas grand chose de plus.

... Mais ce que je sais, c'est que je peux vous être utile. Déjà pour les chopper, comme il y a cinq minutes. Et surtout parce que je connais un type qui sait des trucs, vu qu'il m'a parlé de ce genre d'animal avant même que je rencontre mon premier spécimen.

Donc voilà, j'aimerai bien voir le responsable de la sécurité de la ville, histoire de cadrer tout ça. Savoir les initiatives que je peux prendre ou pas, ce genre de trucs...

 Oui, si ce que vous dîtes est vrai, nous avons besoin de vous ET de votre expert. Venez, le chef est surement allé voir la bête. 

Et en effet,leur chef est bien là. Ce n'est pas vraiment un militaire, ou il est à la retraite. Tout rabougri et ridé, on ne saurait dire si c'est un shangrilien ou un théopolien. 

Ah, vu sa carrure, j'imagine que c'est là notre soldat errant. 

 Justement, chef. Il faudrait qu'on parle de sa récompense, mais aussi d'autre chose. Gardes, vous pouvez attendre dehors ?

 Oh, C'est sérieux, donc. Allez, faîtes ce qu'il demande. 

Les hommes s'exécutent, et le chef du village tourne ce qui lui reste d'yeux vers le demi-dieu.

 Alors, de quoi s'agit-il ?

Bonsoir, monsieur. Très honoré de vous rencontrer. , commence Atridès de façon très polie, en s'inclinant devant le vieillard. Réaction sûrement due à son éducation théopolienne, où l'on ne déconne pas avec le respect des anciens.

Eh bien, en fait, je voulais vous rencontrer pour plusieurs raisons. Je vais commencer par vous rapporter ce que j'ai expliqué à votre officier. Ce qu'il fait.


 C'est ce que vous pouviez annoncer de pire... Mais j'approuve l'idée de vous loger, vous et votre expert. 

 Whaf.

 Et Jake, le chien.



 En attendant, nous allons continuer à surveiller chaque issue et...

Et des cris de terreur résonnent à l'autre bout du village. Ils sont mêlés à des rires infâmes, qu'Atridès reconnaît immédiatement. Ils serrent le cœur de chacun des hommes présents. 

Merde !

... Ça, de ce que j'en sais de mon expérience de soldat théopolien, ça pue le harcèlement, la diversion, et donc la guérilla... Je ne crois pas que vous soyez prêts à ça...

... 'Faut pas vous disperser, 'faut vous regrouper... Envoyer des forces d'élites, groupées, nettoyer les zones en étant en surnombre, pendant que l'infanterie de base sécurise le périmètre le plus réduit et fortifié possible, où vous ramenerez vos citoyens. On les a peut-être excités en tuant un des leurs. Ce qui voudrait dire qu'ils communiquent vite. Très, très vite... Et ça, c'est mauvais.

Je vous propose que j'aille chasser sur le front avec Jake. Et qu'il reste en même temps ici pour sentir les trucs arriver. Il peut faire ça.

Vos ordres, Général ?


Takita, va chercher Mika. Puis ordonne un rassemblement de toute la population dans la mairie. C'est le bâtiment le plus solide et facile à défendre. Fais escorter les gens autant que possible. Ataridesu-sama, vous et Mika serez nos forces d'élite. Votre autre ami, peut-on le faire chercher par quelqu'un de plus faible ?

Pas par un de vos hommes, malheureusement... Il n'arriverait pas à le trouver assez vite, et il n'obtiendrait pas assez de sa confiance pour qu'il accepte de le suivre. Il a peur de vous, vous savez ?

... Mais Jake pourrait faire ça. Il saura le trouver, et lui, il saura le convaincre.

Sinon, je ne sais pas trop, mais... Vous pouvez appeler des renforts ? Je sais que votre armée a des appareils volants qui peuvent rappliquer vachement vite.

... Ah, et aussi, si vous avez ce genre d'appareils qui permet de voir la chaleur... Ces sortes de lunettes que j'ai déjà vues portés par des soldats terrans... Il faut que vos hommes les mettent : ces créatures sont capables de se cacher hors de notre vue, comme je vous l'ai dit dans mon rapport...

Jusque là nous pensions que c'était un cas isolé. D'où viennent ces saletés, au nom des Saints !? Nous n'avons pas l'équipement dont vous parlez, et même en joignant la ville, personne ne sera là avant des heures. Je vais appeler des secours, bien sur, mais il faut y aller, maintenant !

Et les cris confirment ce que dit le grand-père. Jake acquiesce, et sous les yeux ébahis des gens, un Jake file vers la sortie du village, tandis qu'un autre file vers les cris. Il n'en reste aucun pour garder cet endroit, mais la hyène dort toujours.

Ouais, Chef, j'y vais.
Faites gaffe à bien fermer toutes les portes et fenêtres, et aussi à ligoter la bestiole. Surtout sa gueule.

Et donc, il part en direction des cris tout en se rééquipant de pied en cap. Il observe les mouvement de foule, et essaye de se mettre à la place d'un assaillant qui voudrait créer le chaos. Par où essayerait-il de lancer une autre attaque ? Ca dépend des effectifs de l'ennemi, et Atridès ne connaît pas la zone. Leur Mairie doit être ce bâtiment qui dépasse en hauteur les autres résidences, et de l'autre côté, il peut entendre deux séries de cris dans deux directions. Ça fait, en comptant la bête captive, au moins trois individus. 


Jake semble se poser bien moins de questions et est dores et déjà en train de se diriger vers les cris à droite de la mairie.

Par conséquent, Atridès se dirige en courant vers l'origine de la seconde zone de panique, celle qui ne pourra pas être gérée par son compagnon à quatre pattes.

Lorsqu'il arrive sur ce qui ressemble à une grande place du marché, ou une place où faire des arts martiaux de rue, peut-être... Bref, lorsqu'il arrive là, Atridès ne se guide qu'au son. Les cris ne sont plus ceux de vieilles personnes ou d'enfants horrifiés. Sept gardes, qui furent autrefois onze, les remplacent désormais dans un combat moins inégal. Deux bêtes contre onze hommes, et déjà quatre cadavres militaires. Et c'est sans compter les corps éparpillés de ci de là. La plus petite des deux bêtes, restée en arrière, passe la moitié de son temps à hurler une sorte de ricanement, et le reste du temps, elle passe sur les côtés de l'autre monstre, massivement plus large, pour grignoter le mollet ou la cheville imprudente.

Lorsque cela arrive, la hyène massive, de la taille d'un homme au collet, pose sa patte sur le malheureux et le laisse se faire écharper par le plus petit, pendant qu'il éloigne les hommes de sa gueule titanesque. 

Vraiment, une hyène digne d'affronter Cerbère en personne. 

Enregistre tout ce que tu vois, communicateur. On aura besoin de toutes les donnée tactiques possibles, par la suite...

Puis Atridès prend une bonne grosse inspiration.

Soldats, regroupez-vous !

Et il charge la créature titanesque, glaive en arrière, hoplon en avant. Ce dernier se met à briller d'une lueur bleutée. Plutôt que de se regrouper, les recrues se séparent et reculent en deux groupes pour laisser Atridès passer. Aucun entraînement, aucun courage. La petite hyène saute d'un couvert, mais l'un des gaillards interpose sa lance, et il s'ensuit un combat entre lui et l'animal, pour la possession de la pique. C'est le seul qui semble doté de réflexes valables, mais ça ne suffira pas.

Le Théopolien arrive dans la mêlée. 



Plutôt que de charger ou de reculer, la bête géante se saisit d'une victime avec sa patte avant, et la soulève comme une poupée de chiffons sanglante, pour la jeter sur la trajectoire du demi-dieu.

Atridès reçoit le projectile humain de plein fouet, et à cette vitesse, pas question d'éviter. Sans baisser sa garde, il casse sa charge. Son principal objectif, c'est de faire face au "monstre", le bloquer, et de laisser le temps au recrues de s'organiser face au "petit". Il balaie donc du bouclier le corps du malheureux.

Putain, ils ne vont pas y arriver... Aucun entraînement ! 'Faut que je fasse comme nos sergents-instructeurs faisaient quand on pissait dans nos frocs, moi et mes frères d'armes  : ne pas leur laisser le temps de réfléchir. Qu'ils sentent que ça gère, dans le commandement... Même si c'était des putains de mensonges.
Il disait quoi, le sergent, déjà ? Ah ouais...

Vous voulez tous crever ? Non ? Alors regroupez-vous tout de suite, putain !

Et je veux vous entendre gueuler "Oui, chef !"

... On va leur refaire le fion, à ces saloperies !

Là, il a utilisé sa "voix divine". Très clairement. Pourtant, si les hommes trouvent un regain d'assurance et de concentration, ils ne sont pas de taille contre le géant. Le petit, lui, n'est plus en vue. Alors que le Théopolien repousse un des malheureux pour entrer enfin dans la mêlée, le monstre ricane d'un ton grave en baissant sa patte énorme, griffes en avant. Le bouclier énergétique émet un soubresaut, mais le hoplon, lui, tient bon. Et Atridès aussi. En termes de force, l'animal semble sur un terrain d'égalité, ce qui est finalement une bonne nouvelle ; vu sa taille, c'aurait pu être pire. 

 HIiiiiiiiiiiiIIIIIIiiii !!

Là encore, la bête n'a que peu d'intelligence dans le regard, mais certainement plus que "l'invisible". Face à l'adversité, cependant, elle semble décidée à chercher une issue de repli.

Cependant, Atridès n'a aucune envie de lui permettre de s'enfuir à si bon compte. Après tout, elles ont tué des soldats : cela se paye.

Aussi, il dévie son hoplon pour se créer une ouverture, et envoie un grand coup de son épée forgée par un Dieu vers la patte qui a essayé de l'écraser.

Puis il se décale pour ne pas devenir une cible statique, facile. Au loin, derrière la mairie, un autre rire animal, plus aigu, retentit à son tour. Jake est entré en action, semble-t-il. Au même moment, l'épée d'Héphaïstos émet son cri de guerre en déchirant l'air, mais ne fait qu'effleurer la bête, définitivement sur la défensive. Atridès n'a que le temps de se décaler dans la bonne position pour ne pas être gêné par le retour des gardes survivants. La bête saute en arrière, et entreprend de se retourner pour fuir. Avec cette taille, elle a des pattes si longues qu'un bond peut la mettre hors du chemin de l'épée hurlante.

Soudain Atridès réalise que l'autre Hyène n'est vraiment plus là, ou alors elle vient de rater une sacrée occasion de le prendre à revers.

Le jeune théopolien jette un œil aux alentours. Vigilant, calculant les distances entre les différents lieux, dénombre les couverts, les cachettes...

Les gars, on extrait le maximum de civils pour les emmener en sécurité, à la Mairie.

Vous vous mettez en surveillance pour couvrir tous les angles, vous les appelez, vous les regroupez, et vous les escortez. C'est clair ?


Le temps que ça se lance, Atridès reste que ces gardes. Et il essaye de sentir si des prières ne viendraient pas de ce coin, assez proches. Il laisse donc la bête fuir et s'ouvre au chœur des prières. Oui, quelques appels à l'aide émanent de là, là et là. Il y dépêche les hommes les plus dégourdis, dont Mika, dont on lui avait parlé plus tôt. Retenir les noms de tous les autres, avec leurs mélanges de ki ka et ko partout... Atridès n'en est pas capable, pas en pleine émeute. Il fait donc de Mika son second pour passer les ordres à ses camarades, qu'il connait mieux.  

Les bêtes ne reviennent pas, mais la source de Jake, elle, approche à très grande vitesse. Au départ, Atridès se prépare à l'aider contre l'ennemi, et en quelque sorte c'est ce qui se passe. Prêt à recevoir quoi que ce soit, Atridès finit par voir malgré la nuit une silhouette animale paraître, courant à grands pas pour fuir... Jake. 

La hyène hurle et rebondit de gauche à droite, alors que le bâtard lui mordille les pattes arrières. De temps à autres, un de ses bonds l'emmène à trois mètres de haut sans élan, mais comme ça ne perturbe pas le chien, la hyène semble dépourvue de stratégie de secours.

Atridès se met à courir, prenant son élan et en armant son coup. Il tient son épé derrière lui à bout de bras. Le bras droit, bien sûr.
Le gauche, quant à lui, est toujours devant, bien calé contre le bouclier.

Et lorsqu'il sent que les trajectoires peuvent se percuter, il bondit vers sa cible.

Ses muscles se contractent bien plus que d'ordinaire.
En fait, l'impulsion est telle que muscles, ligaments et tendons se seraient rompus si sa propre volonté ne les avaient renforcés, tenus en place.

Le théopolien monte beaucoup plus haut que prévu et il retombe, épée brandit en arrière, vers la nuque de l'animal. Sa lame entame un arc de cercle mortel. Entre l'élan du bond, l'arc de cercle brutal et la capacité de l'épée à augmenter sa puissance d'impact avec le vent - ce que Jason appelle l'énergie cinétique - Atridès comprend les paroles du forgeron quand il parlait se cette lame. Dans un cri bref mais strident qui fait penser au bruit d'une flêche, il sépare la tête de la hyène du reste de son corps en plein bond, et les deux retombent séparément au sol dans une gerbe de sang. 


Jake remue son arrière train : la chasse se passe bien. Il n'a jamais été aussi heureux.
Héhé, deux hyènes à zéro. Elles sont où, les tiennes ? Y'en avait une qui parle ?

Non. Mais j'en avais deux. Une vâaachement grosse. Plus grande que moi. Et une petite vicieuse qui rabattait pour le gros, ou lui qui bloquait des proies pour elle. Mais bon, elles ont fuit...
Elles doivent encore être dans le coin, d'un autre côté.

Avec les gars, là, j'ai pas trop osé m'éloigner. Ils ne font clairement pas le poids.

Mais, là, ça à l'air de s'organiser... On se les fait, mon pote ?

 Je les flaire. 
...Je sens... Un putois ? Dans toute la zone, il y a une sale odeur qui monte... 

Et en effet, ça pue. L'odeur monte partout dans les alentours, et chaque homme et femme porte la main à son nez pour limiter les dégâts, malgré la panique qui se résorbe. Les civils sont amenés au centre, à la mairie. Et les piquiers de renfort arrivent pour former une zone sure derrière eux. 

Finalement, hors du chaos, ils peuvent servir à quelque chose. 

 Zut. Je suis désolé, je ne sais pas comment... Oh, il a du manger un putois... S'il peut copier ce qu'il mange, il doit pouvoir faire ça facilement.

Ouais... Ça va pas être gagné.
Mais bon, si les mortels sont en sécurité, on peut poursuivre ! Les poursuites, c'est toujours la panique chez l'ennemi ! Ou on peut sécuriser et suivre la réunion.

... Ohhh, fais pas cette tête... Il a toujours des réunions, tu le sais bien. Et là, on pourrait gratter un truc ou deux...
 C'est pas ça. Je comptais sur mon flair mais comme c'est un animal intelligent, il y avait déjà pensé. C'est ça qui m'énerve. On fait comme tu veux.


Bah, on coupe la poire en deux ? On chasse jusqu'à être sûrs qu'ils ne trainent plus en ville. Si c'est le cas, on retourne à la Mairie pour voir ce qui va s'y dire...

Et puis, il y a d'autres méthodes que l'odeur, pour traquer, non ?
 Oui, mais je peux plus sentir son âme, à cause de ça. J'aurais pu le pister facilement, sinon.

Les deux compagnons retrouvent les traces gigantesques aisément. D'autres preuves du passage de la bête, comme du bétail ou des murs éventrés. Puis la bête a simplement détruit une clôture de bois en passant au travers.  Pas de traces du plus petit, ou d'un cinquième animal. 
 Je pourrais traquer le plus gros, mais j'ai perdu le petit.

Non. On va rentrer.
Le petit est peut-être resté, mais il ne fera qu'espionner. Tout le monde est aux aguets, maintenant. La force de destruction est partie...

Et ton odorat reviendra vite. Non, 'faut retourner chercher le vieux.

Atridès et Jake retournent donc sur leurs pas, et passent la vigie aux portes, qui tremble toujours d'un retour possible des bêtes. Les ruelles sont vides, sauf pour les quelques civils qui traînent les cadavres vers un bâtiment où ils sont stockés. 

Il arrive jusqu'à leur prison, et sait que quelque chose cloche dès qu'il aperçoit le cadavre d'un des hommes stationnés là plus tôt, égorgé et éventré. Il est assis devant l'entrée et regarde le vide de l'Hadès. A l'intérieur, ils trouvent deux autres cadavres, pas pas de vieil homme. La bête, étonnamment, est toujours dans la cage, mais elle aussi a été égorgée, puis éventrée. Les autres cadavres aussi. 

Atridès contemple le triste spectacle.

Pfffffff... Tu sais quoi, Jake ? Je déteste les Cités-passoires... Ça, tu vois, ce ne serait jamais arrivé chez moi ! Et leurs murs de merde... On s’appuie dessus : on passe à travers !

... Bon. Ça va beaucoup discuter, au niveau du Conseil. J'aimerai bien qu'Oni soit avec nous à ce moment-là. Et même mieux, qu'on parle à trois avant. Il bien est avec ton double ?

J'espère. Mais je n'en sais rien, désolé. 

Il ne leur faut que quelques minutes pour se rendre à la mairie. Toutes les rues avoisinantes sont illuminées et patrouillées, et il y marche sous les saluts de certains compagnons d'arme de tout à l'heure. Jake lève l'oreille et s'arrête, poussant Atridès à faire de même. Un bruit d'appareil volant, au loin. Le vieux aura fini par appeler les secours.

La mairie est pleine de gens, de tous âges. Beaucoup prennent soin les uns des autres, et on a séparé la pièce principale entre les blessés et les autres.

 'Tain, c'est chaud... , dit-il en regardant les blessés, en passant. Il a un petit geste pour chacun d'entre eux. Ceux qui croissent son regard. Atridès finit par se diriger droit vers le "vieux", qui émerge rapidement du lot, suivi en permanence par d'autres, il montre du  doigt ce qu'il estime être les priorités et délègue sans réellement se déplacer, si ce n'est pour contempler l'étendue des urgences de ses propres yeux. S'il esyt un peu blème, on ne peut pas lui en vouloir, et pourtant il exude un calme et une sérénité sur laquelle chacun ici semble se raccrocher. A part peut-être Mika, toujours calme face à chaque situation. Tout à l'heure contre les hyènes, il a montré un calme exemplaire et la vivacité d'esprit requise pour donner des ordres simples pour remuer ses gars. Actuellement, il mange debout, l'air placide, derrière le vieux maire.


Ah. L'homme au chien magique. Il serait pas soigneur, avec ça ? Ce serait trop beau, hein ?

Le chien magique, il s'appelle Jake. et c'est mon meilleur pote.
Mais non, il n'est pas soigneur. Moi non plus. A part si "comprimer une artère qui pisse le sang puis y foutre un putain de garrot", c'est être soigneur.


Le quoi ? Oh ! Atridès. Mika, donne à manger à cet homme.

< Mika gromelle de façon inintelligible. Il ne semble pas vraiment partageur avec la nourriture. >

Mais non... Je veux dire, emmène le, qu'il puisse se reposer. Il en a fait assez pour aujourd'hui, et il a insisté sur ce point. 

Oh. D'accord.

Excusez-le, fait un autre homme en uniforme. Il ne pense qu'à la bouffe.

Mouais, mais il a raison. La bouffe, et les filles...
Quand on peut crever à chaque instant, en tant que soldat, les trucs qui donnent un plaisir immédiat, c'est pas si mal !

Et c'est un bon soldat, ce Mika ! ... Franchement, si tout le monde avait été comme toi dans la troupe, je n'aurais pas eu à intervenir. Je n'ai pas voulu te voler la vedette, mon pote. , dit-il en se tournant vers le dénommé Mika.
J'ai juste senti que ça craquait de votre côté, donc, voilà...

 Mmokay. Par ici. Stoïque et fatigué, Mika emmène Atridès dans les salles à l'arrière du bâtiment. On a fait déplacer le stock de nourriture ici, et les salles de réunion ont été remplies de lits de camp et de tapis de sol, en attendant que les choses reprennent leur cours normal.

Mais ils vont facilement trouver mieux, rapidement. Je te laisse t'installer. 

Il fait mine de partir, mais s'immobilise avant.

 Comment tu savais être là à temps pour les bêtes, au fait ?

Un type qui m'a rencardé sur les hyènes. Atridès dépose ses affaires sur un lit de camp choisi au hasard.
On en a trouvé une avec Jake, dans votre ville, et on a été voir le vieux pour l'informer. Normal, quoi...
Et quand il y a eu des cris, bah, on est parti vous donner un coup de main.

... Où est-ce que tu as appris à te battre ? Je parle pas des trucs à la cons genre manier une lance, hein ? Je parle du truc le plus important au combat : contrôler sa peur. Tu fais ça bien...

 Tout les autres sont conscrits ou volontaires. Moi, je suis militaire de carrière. Moi et quelques autres. On est pas préparés à affronter ce genre de bêtes, mais on sait se défendre. Et la plupart d'entre eux ont appris à se battre, ils l'oublient pendant l'action, c'est tout. 

C'est pas leur faute : ils s'entraînent les uns contre les autres. S'ils s'entraînaient contre ton chien une semaine, ce serait autre chose. 

Mika finit par laisser les sources s'installer et à part un civil ou un militaire occasionnel de passage, on les laisse relativement seuls dans la grande pièce. Dans les victuailles, certains produits frais ne tiendront pas bien longtemps.

Je sais pas toi, mais je dormirais bien après un bon repas.

Un fameux fumet de viande arrive alors aux narines des deux sources à la fois, qui ne peuvent s'empêcher d'aller voir d'où il peut bien provenir : l'odeur semble très proche. A la fenêtre, ils voient deux femmes-officier, avec des pierres et du bois, elles ont préparé de quoi sécher de la viande pour en augmenter la durée de vie.

Dans le ciel, deux appareils survolent la forêt pour l'un, le village pour l'autre.

Ouais, mais je ne suis pas trop fatigué. Par contre, pour la bouffe, je te dis oui !
Viens... Il y a de quoi manger. Et des femmes... , dit-il en commençant à s'y rendre.

Mmm Je sais qu'on doit la garder, mais ch'est bon, fait la plus jeune en mangeant une tranche de lard fumé. Je sais que ch'est mal, mais...

On a survécu aux bêtes, on mérite bien un repas.

Bonjour, bonjour, mesdemoiselles ! Je peux me joindre à vous ?
... J'ai un peu la dalle aussi.

On prépare des réserves, on ne fait pas un méchoui. 

 Laisse-le, c'est Atridès, l'homme qui a fait fuir les bêtes. S'il veut manger ça, qu'il mange ça. C'est du boeuf. Le sêché est là, le frais ici. Sers-toi, mais laisse-en pour les autres. Tu as l'air d'un homme raisonnable.

Vraiment, tu trouves ? Un vagabond bodybuildé. Il ne doit même pas avoir vingt ans... Je ne sais pas quoi penser. Comment en arrives-tu à cette conclusion qu'il sera raisonnable ? Je. T'ai. à. L’œil. 

Bah oui, moi aussi, je garde les yeux fixés sur toi. J'aime bien tes jolis cheveux. Elle rougit immédiatement, et se force à détourner le regard. Mais c'est bon, tu sais, je ne vais pas me goinfrer, hein ? Je sais ce que c'est que c'est qu'un rationnement. Et puis, je mérite aussi un repas, non ? Sinon, je vais chasser dans la forêt !

 Tiens, Jake. Toi aussi tu as faim, hein, mon gars ? Bah oui ! Bah oui !

Ah bah voilà, forcément... Lui, dès qu'il remue la queue, on lui fait des caresses.

Atridès va se servir en viande, l'air un peu chafouin.

... C'est quoi vos noms ?

Elle c'est Vanya. Moi c'est Anko. On est des militaires en apprentissage à la base de la croix de mer. Mais ma grand-mère habite là alors voilà, j'ai appelé les autres parce que je savais qu'ils étaient du coin et ils ont tous eu des problèmes avec les bêtes alors on a fini par ramener tout le monde ici tu vois, et finalement on a pas eu tort parce que...

Par pitié, RESPIRE ! On est des militaires en apprentissage, tu as fait passer l'information, maintenant tu peux laisser de l'espace pour qu'il dise quelque chose.

Désolée !

Non, non, ça m'intéresse. Donc, il y a une base militaire à la Croix de Mer ? Quand j'ai pris le train pour venir ici, on m'a dit que c'était une zone dangereuse, où il y a avait des disparitions régulières...

Hier, je t'aurais dit que ce n'était qu'une vieille légende, mais... 

Un cri, une voix inconnue, appelle alors : Atridès !?

Dans la pièce dortoir, de la fenêtre, un jeune homme cherche le géant théopolien. 


Il y a un autre vagabond à moitié nu qui veut vous voir. Il a un chien exactement comme celui là....

Ah, super ! C'est Oni ! Je suis soulagé qu'il soit arrivé ici sans encombre... J'arrive tout de suite. En se retournant vers les deux jeunes femmes :
Mesdemoiselles, je dois vous laisser. Mais je serais très heureux de vous revoir après, continuer cette discussion, tout ça... Donne la patte aux gentilles dame, Jake !

C'est dingue, ils m'ont INVITE a rentrer. Et on m'a conduit ici, et un mec m'a parlé de sa vie sur la route. Ce serait trop bien si tout le monde était pas blessé. Tu vas me demander de me battre contre les hyènes, hein ?

On a déjà parlé de ça, Oni. On veut surtout que tu te fasse pas manger par cette chose. 

Oh, on en a déjà battu deux. Il en reste deux, peut-être trois, pas plus. 

Deux. Elles étaient quatre. Vous les avez vraiment battues ?

Si je le dis. J'ai faim, t'as mangé ? 

Reviens, j'ai géré ça.

Les deux chiens ne font bientôt plus q'un, par l'opération d'une rapide absorption de l'un par l'autre.

Ouais, c'est exactement ce que vient de dire Jake. Le but, c'est que plus personne ne se fasse bouffer par les Hyènes. Elles apprennent trop vite.
Je me demande même si la facilité avec laquelle elles sont entrés en ville ne vient pas du fait qu'elles aient absorbé les connaissances des humains du coin, ceux qui ont été dévorés.

Ou bien c'est dû à ces fortifications de merde. Franchement, c'est du travail de Faune, cette palissade...

Bon... On va devoir passer aux sujets compliqués. Oni, je t'ai présenté à l'ancien de la ville comme un gars qui sait des trucs sur notre ennemi. Et on va aller lui parler.

 Okay. Jusque là c'est pas compliqué.

Parfait. Moins c'est compliqué, mieux c'est... Ça va être simple, on va lui parler en privé, et on va tout lui dire.

... Comme ça, le vieux va gérer au mieux. Et moi, je serai de retour auprès des deux petites militaires bien roulées que j'ai repéré. J'ai bien envie de leur faire leur fête avant même que la nuit tombe. Mais je t'en laisse même une si tu veux, mon pote. Entre mec, 'faut être solidaires.

On y va ? , demande le théopolien en entrainant Oni avec lui, direction l'Ancien.

 Okay. 

Par contre, j'aimerais bien en savoir un peu plus sur ce que tu appelles la "prison d'eau", avant qu'on rencontre le vioc. J'suis sûr que c'est la clé de toute cette merde...

 Okay. Stoïque et obéissant, Oni se met à penser et à faire les cent pas les bras croisés. Il en agite un de temps à autres pour décrire des formes.

Alors... quand je me suis réveillé pour la première fois de ma courte vie, je flottais dans de l'eau, et j'étais une flaque de sang. Et puis j'ai su que c'était pas naturel, alors j'ai paniqué un peu. j'ai repris cette forme que tu vois, et j'ai poussé avec mes bras, mais même si je voyais à travers, je pouvais pas passer. Alors j'ai frappé et frappé parce que j'avais besoin d'air. Et la prison a finalement cassé, alors je suis sorti. 

L'eau s'est écoulée sur de la pierre, et j'ai glissé, et je me suis relevé pour regarder autour, okay ? Et y'avait d'autres prisons d'eau avec des bêtes bizarres dedans. Des grosses et des petites, mais entre autres, les hyènes. Je sais même pas comment je connais ce nom. Ni où j'ai appris à parler. Mais quand leurs prisons se sont ouvertes, elles ont commencé à me chasser. 

Je me suis changé en flaque, et j'ai fini par sauter dans la mer : on était dans une sorte de grotte et ça donnait sur une chute d'eau, droit dans la mer. Elles ont pas pu me suivre correctement dans l'eau, et le courant m'a amené à une forêt, avec de l'eau et des fruits, et des animaux. 

Oh, et l'eau était vachement bleue.

Tu saurais y retourner ?

 Oh non, non non non. Non, je ne crois pas que ça va être possible. Non. Non, non non non...

Non, mais c'est moi qui... Eh !
Désolé, mon pote ! C'est pas ce que je voulais dire. Tranquille, ça va bien se passer. C'est peinard, mec.

Je ne disais pas "toi, y retourner". C'est moi qui vais le faire. Mais comment y aller, que tu m'expliques le chemin, les trucs à savoir, ça, ça serait bien.
Toi, bah, toi, t'es balaise, quand même... Tu pourrais peut-être aider, ici ? Mais en attendant on va aller donner ta tridéo, là, à la personne qui doit l'avoir.

 Ma quoi ? Écoute, on parle à ton vieux mais si il veut m'emmener là-bas c'est non, d'accord ?

Complétement d'accord. Tu fais ce que tu veux, mon pote. Je n'ai jamais forcé un gars à faire ce qu'il ne veut pas faire. C'est pour ça que je ne suis jamais passé officier dans la phalange, tu sais ? Et aussi parce que j'étais souvent à la bourre. Mais bon...

Par contre, ouais, ta trideo, là... Celle que Jake a récupérée dans sa gueule, dans la forêt. Avec les dernières volontés d'un mort. Tu ne voulais pas la donner à quelqu'un, dans la ville ?

 Ah, ça. C'est fait. Je l'ai donnée au garde, et il connaît la fille. Il la lui apportera. Je pouvais lui faire confiance, hein ? 

Mais oui. Allez voir le Maire du village, je vais manger. 

Rassuré par les paroles des sources, Oni suit Atridès et ils rejoignent l'ancien, assis sur une sorte de trône humble lui permettant de voir l'ensemble des gens. 

Ah. Mes Nobles Vagabonds. C'est ainsi qu'on vous appelle, paraît-il. Quelles sont vos nouvelles ? Avez-vous des informations sur ces bêtes ?


"Nobles Vagabonds" !?!
J'aime bien. C'est la classe ! , dit-il vers Oni.

Alors, oui, on a quelques nouvelles. Comme vous le savez, la hyène que nous avons capturée a été tuée, comme les soldats qui la gardaient. Atridès passe son regard sur les gens, essaye de voir des réactions. La plupart se demandent qui était de faction, et comment ils ne s'en sont pas rendus compte. Le chef lui-même est hébété. Mais il se trouve que tout le monde était replié sauf ceux-là, et ils faisaient ainsi une proie de choix pour une des bêtes. Le seul fait qui reste étrange c'est que la bête tue un des siens.

 Je sais maintenant d'où vient l'Ennemi. Donc... Bah, je vais essayer de m'en charger. A la source.

  Les autorités arrivent. Vous n'avez rien à gagner à risquer vos vies, laissez-les s'en charger. Je les ai eus par radio, ils finissent de survoler le périmètre et ils nous rejoindront.

Dans ce cas-là, je vais profiter de votre hospitalité. Et attendre les conclusions de vos militaires, lorsque nous les verrons.
... Mais sachez que cette histoire de hyène, j'en fait une histoire personnelle. 'Fin, on en fait une histoire personnelle, Oni et moi.

Et... Comment réussir à se trouver un moment tranquille avec les filles ? Sinon, on peut faire un tour de garde. Plus sûr pour tout le monde...

 Et où doit-on envoyer les autorités, dans ce cas ? Après vous avoir entendus, nul doute qu'ils vous trouveront une utilité. D'où viennent ces hyènes ?

C'est pas très précis. D'une grotte. Qui donne sur une cascade. Qui va sur la mer... Mais de toute façon, je suis pas sûr que vos troupes d'élites peuvent y aller seules. C'est très risqué, vu le truc qu'elles vont affronter.

Il y a encore une ou deux choses que je ne vous ai pas dit. On n'a pas eu beaucoup le temps de discuter... Et ce n'est pas ce que j'avais envie de dire en premier. Atridès jette un œil à l'endroit, pour voir qui est à portée pour entendre la conversation avec le maire. Les gens sont nombreux, mais pas concentrés sur lui ; entre ceux qui dorment et ceux qui s'occupent, seul Mika a le Maire à l'oeil.

Bon, le truc, c'est que je ne suis pas venu ici par hasard. Je savais qu'il y avait un truc qui se tramait dans le coin. Pas pour les Hyènes, ça, c'est Oni qui m'a rencardé... Mais pour quelqu'un, peut-être un mutant, qui a la faculté de prendre les pouvoirs de ceux qu'il mange. Mais vu qu'il se fait appeler Lahyen, j'imagine qu'il y a un rapport.

Des mutants ? Mmm.... A ma connaissance il n'y a que peu de mutants dans la région. A part Les Reeves, qui travaillent tous dans le bâtiment, à Supacity... Ah, et la vieille Hettie. Il paraît que c'est une mutante, pas une sorcière. Elle habite un des phares, à la Croix de Mer. 

Oh, et si l'illumminé s'en mêle ? Vous savez, celui qui fait comme si ses lunettes nus empêchaient de le reconnaître... M.. Metroman ? C'est un mutant aussi, lui, non ? 

Oui, ça expliquerait sa rapidité. On n'a toujours pas compris comment il se change aussi vite.

Il faut bien lui rendre ça.

 C'est quoi un mutant ?

 Bah, c'est euh.... Un gars normal, mais qui a dans son sang un truc qui fait qu'il est pas comme les autres. Il sait faire des trucs que les autres ne savent pas faire, et ça fait peur à ceux qui ne sont pas capable de faire comme eux. Un peu comme nous.

Mais c'est pas le problème, là...

... Là, le problème, c'est de...  De faire quoi en fait ? Merde... Je ne sais pas quoi dire. Pourtant, c'était prévu, merde !

... Bah d'éviter qu'un mutant qui mange d'autres mutants, d'autres gens et d'autres animaux pour prendre leurs trucs, devienne un super-mutant qui n'aurait plus aucune limite, et bouffe tout. Tout le monde. Et devienne encore plus gros.

On veut qu'il se calme. Et s'il ne veut pas se calmer, bah... C'est nous qui le calmerons. Je le calmerai, si je dois y aller seul.

Un grand silence s'ensuit. Atridès a le temps de voir les expressions se figer, puis l'incompréhension fait place à l'incrédulité, puis au questionnement, à la réalisation de la nature des événements. Atridès voit leur sang se figer. tous, il les a touchés à un moment ou à un autre. Il voit maintenant tout cela, et les silences ne sont plus aussi gênants qu'auparavant. 


Le silence lui permet de lire dans les âmes... Et lorsqu'il est rompu, le seul qui doute encore est Mika. Jake est chaud patate, Le Maire réalise qu'il faut agir, mais doute de pouvoir le faire. Oni tente de dépasser la peur. Et donc, le silence est enfin rompu, mais Atridès sait tout ce qu'il a à savoir. Chacun à leur manière veut aider, même le dubitatif.


 Au moins tu as ton "chien magique". T'es pas seul.

 Je veux bien venir, si c'est si grave que ça. Mais t'es dingue.

Alors nous aiderons à votre voyage autant que nous pourrons. Vivres et équipement, demandez ce que vous voulez.

Comment tu sais tout ça ? Qu'est-ce que tu ne dis pas ?

Ce que je ne dis pas ? Bah, quasiment tout. Il me faudrait dix-neuf ans pour te raconter ce que j'ai vécu, dans le détail, mon pote.

Par contre, pour la façon dont je sais ça... Les gens de mon ethnie ont parfois des flashs du futurs, du passé... Comme des rayonnements, des visions de toiles, des possibilités. Et souvent, quand il y a quelque chose d'admirable ou de dangereux, ça se voit. Ça fait un nœud.
Alors, on voit des choses. On ne sait pas toujours quoi, dans quel sens.

... Et, là, ici, maintenant : J'ai vu la naissance possible d'un monstre. Un vrai.

Ça te va, mon pote ?

Vous n'avez pas à en dire plus. Je sais reconnaître un berger quand j'en vois un. 

 Un berger ?

Regarde avec ton esprit, Mika : il a un chien avec lui. C'est un guerrier hors normes. Nul ne sait comment il est arrivé, mais il connaît le futur. Ce n'est ni un mutant, ni un télépathe, ni un robot, ni un illuminé. Il ne parle pas comme nous, mais il est énormément concerné par notre sort. 

 Wah, je veux pas voir la gueule des moutons qui ont besoin d'un berger comme celui-là.

Non, enfant. Les bergers sont les agents du Berger. Ils vivent sans planète, et n'y descendent que pour assister les colons... Et leurs descendants. Ils ne font pas partie du Sélénium, mais ils disposent d'un pouvoir cache. D'après les légendes.

Euuuhhh... Non. Ferme ta gueule, prend l'air intelligent, et donne toi quelques secondes pour réfléchir. Ça, c'est un cadeau des Dieux...Ouais, je dois prendre le bateau !

... C'est ça. Vous en savez beaucoup sur les agents du Berger, Ancien. C'est bien.

Bon, bah, on va y aller, hein ? Un peu de bouffe, du matos d'escalade, ou un engin pour aller là-bas rapidement. Peut-être mettre nos communicateurs sur la même... Ligne ? 'Fin, vous savez, pour qu'on puisse parler à distance.


 On va vous trouver tout ça, et plus. Mais demain. Toutes ces émotions, ce n'est plus de mon âge.

Après cet échange étrange, mais pas malvenu, Atridès a une nouvelle façon de simplifier ses explications : visiblement ici, les bergers sont bien différents de ceux de Théopolis, qui ont tendance à se cantonner aux broutants. 

La soirée lui permet de discuter avec les filles et manger et surtout, de dormir. Au petit matin, des appareils volants puis des convois d'hommes d'armes et de scientifiques arrivent. Occupé à sécuriser les alentours du village avec les Jakes, Atridès les remarque vite. un cordon de sécurité est déployé autour du village et des hommes sont rapidement dépêchés pour aller vérifier les demeures isolées après une rapide entrevue avec le Maire. Tout semble se sécuriser ici. Le maire signale Atridès comme survivant aux attaques, membre du village. Rien de plus, et pas un mot n'est pipé sur le chien parlant. En tous cas, si les bêtes survivantes décident d'attaquer cet endroit seule, elles trouveront au moins de la résistance. 

A midi, on lui annonce qu'un véhicule et un chauffeur l'attendraient avec l'équipement requis, dès qu'il souhaiterait partir.

Bon, bah, quand 'faut y aller... Atridès accompagne son équipe dans le véhicule. Juste le temps de de donner un petit baiser aux filles avant de partir, si elles sont là. Le héros qui part en quête, merde, 'faut investir pour le futur, question "petits culs". Elles sont belles, et bien là. Mais Atridès se retrouve vite embrouillé dans le sérieux dans lequel il s'entoure, et c'est Mika qui le rejoint.

 Chauffeur présent. Matériel comptabilisé. On a à manger pour deux semaines. Le véhicule est plus gros qu'une voiture à l'ancienne, mais on a que quatre places, conducteur compris. Ca fait moi, Oni, toi et le chien. Tout le monde est prêt ?

Okay. On va où, pour commencer ?

Bah, on va sur site. Là où il y a ta grotte et ta cascade.
Tu as le plan de route ? , dit-il en montrant la carte au pilote.
Tout le monde reste aux aguets sur le chemin, on regarde partout. On a des tireurs ? Bah, on y va.

 Je suis le seul a savoir tirer, vraiment ? Et conduire ? Aussi ?

Bon... Allons-y...

La grosse Jeep suit son chemin, rebondissant sur les petites routes de campagne. Ça ne vaut pas un cheval, mais au moins ça va vite, et l'absence de route ne semble pas si gênant. De jour, passer en forêt est une formalité agréable, mais de savoir que les deux animaux féroces y traînent encore laisse un sale arrière-goût.

Il se passe une heure, sur la route, pendant laquelle Mika réalise petit à petit, en suivant la discussion en silence, la nature des liens entre Jake, Atridès et Oni. Il tique plusieurs fois, mais sans le contact divin, il serait sacrément difficile à déchiffrer. Oni de son côté, dit "okay" à tout, et passe le temps en s'émerveillant de chaque découverte, comme Atridès lors de sa première fois sur un vaisseau spatial. Sa vie passée ne représente rien ; c'est un canevas presque vierge, avec l'esprit d'un enfant dans un corps d'adulte. 

Finalement, Jake est le plus bavard de la troupe, lui qui doit sans cesse se retenir de communiquer. Le chien pose question après question sur l'environnement, et Oni écoute les réponses de Mika. Leur destination semble être le phare d'Hattie, la sorcière aux pigeons.

En deux heures de plus, ils arrivent à sentir l'odeur de la mer, puis voient se dessiner les côtes, de l'autre côté de la forêt. Escarpée et triangulaire, la falaise semble se pencher sur un précipice, et chaque cascade entre les pans de l'étoile dispose d'un phare et d'un logement attenant. La plupart sont habités, mais celui-ci semble déserté, et sur la route, des constructions artisanales pendent des branches des arbres. A d'autres endroits, des panneaux d'interdiction limitent la route. Mika leur dit de pas y faire attention et marmonne quelque chose à propos de la nécessité de rappeler à la vieille qu'elle n'a pas le droit d'afficher ça. Encore.

Ils poursuivent la route en suivant la forêt. La route est de moins en moins entretenue, jusqu'à ce qu'un arbre effondré la barre littéralement. Au premier coup d’œil, on peut voir les coups de hache. L'arbre a été "aidé".

 Non mais j'y crois pas ! La vieille peau ! On va devoir laisser la voiture et finir à pied, c'est la seule route.

Oh ! 'Faut pas t’inquiéter pour ça, mon pote...

... On va passer. Je vais te le bouger, ton tronc d'arbre : il n'a pas l'air si lourd ! Et donc, Atridès sort de la voiture afin de pousser l'obstacle hors du chemin. Ce n'est pas une mince affaire, mais sous les yeux hébahis du shangrilien, le demi-dieu finit par pousser l'arbre. La voiture reprend donc sa route après que chacun ait fait sa remarque sur la force considérable du "berger". 

Arrivés en haut de la route, la falaise charrie un vent iodé. Le phare passe de décor à réalité. Il surplombe majestueusement le vide et de là, on peut voir toutes les cascades s'effondrer dans la mer en contrebas. en haut du phare, des oiseaux de mer se battent pour de l'espace.

A une des fenêtres de la tour, une forme floue agite un rideau. Tout le monde descend, le moteur est coupé, et Mika entreprend de héler la "sorcière".

 Hettie ! Hettie ! On sait que tu es là ! On a besoin de te parler !

Ouais !

... On ne veut pas déranger, mademoiselle, mais là, c'est un peu la merde pour nous... On a besoin de votre aide ! S'il vous plaît ! On peut aider en retour, vous savez !

Le "mademoiselle" un peu aguicheur vient tout droit des croyances d'Atridès. Chez lui, les sorcières sont belles et attirantes. Il n'y a que chez les terrans qu'elles sont emplies de bubons, avec un nez crochu.

Une femme plutôt âgée, grassouillette et claudiquante ouvre la porte de la bâtisse d'un coup sec. Son apparence est rendue encore plus grotesque par sa sorte de manteau boudinant qui fût un jour orange, et son chapeau, sous lequel elle cache ses yeux, est orné d'une fleur fraîchement fanée. ses poils de menton remuent alors qu'elle s'écrie, remarquablement fort pour une femme de cette stature :


ON PEUT PAS ÊTRE TRANQUILLES CINQ MINUTES, DANS CE PAYS ? 

 Hettie, du calme. Des mains de la femme s'écoule quelque chose. Atridès doit y prêter attention un instant pour réaliser que ce sont des graines et des restes de nourriture. Ceux-ci ont à peine le temps de toucher le sol, qu'une masse d'oiseaux se met à descendre sur eux à partir du haut de la tour. Jake aussi l'a vu, mais pas les autres.

On a besoin de te prévenir d'un danger. Tu dois prendre le temps de nous écouter, et on repartira.

SHOUU ! SHOUUU ! La vieille femme agite sa main libre pour les repousser, comme s'ils étaient des oiseaux.

Par réflexe, Atridès étend son bouclier mystique vers ses compagnons, les protégeant tous d'une éventuelle magie.

Nan, mais, sérieusement, madame... On a un gros problème, ici. Tous.
Vous ne voulez pas contribuer à aider ? Des Hyènes, ça vous parle ? Vous n'avez pas bloqué la route pour rien...

Des hyènes ? Sur Shangrila ? Je ne crois pas non. Je vois pas comment j'aurais bloqué la route, aussi. Houste ! C'est chez moi ici, j'ai le droit à la paix !

Vous savez madame, c'est pas con ce que vous dîtes. Tenez, cette fleur-là vous ira mieux que l'autre.

Rien sans rien ! Qu'est-ce que tu me veux ?

Quoi ? Non, rien, c'est un cadeau. 

Un cadeau ? Sans retour ? Pour moi ? 

Bah, ouais.

Humphr. Lui je l'aime bien. Le chien aussi. Vous deux, je vous ai à l’œil. Vu ?

Ouais, ouais, madame... Et si vous aimez bien ces deux là, gérez avec eux les trucs à dire. Parce que il y en a pas mal !

Alors par où commencer, madame... Vous voyez, n'ayez pas peur mais je suis un mutant. JE me change en flaque de sang et je peux redevenir humain.

 Oui, je sais. comme lui, là. Le grand mutant gitan. Il fait quoi lui ? 

Il tape fort. Mais alors vraiment fort. Et il a un chien magique.

 Oui, il a l'air sympa. Mais de là à le qualifier de magique... 

En tous cas, on pense qu'il y a près d'ici un endroit où on m'a capturé, près de la falaise. Une grotte....

 Une grotte, hein ? Ca fait beaucoup de possibilités. Quel rapport avec des hyènes ?

Eh ben.... Dans cet endroit il y avait de l'eau bleue et des prisons de verre et des animaux et des gens. Moi, je suis parti mais des hyènes aussi. Et il y en a une, d'après ce qu'on sait, elle chasse les mutants. 

Mika dit que vous êtes une mutante, pas une sorcière.

 Oh, je suis bel et bien une sorcière. 

Je le savais !

 Ça ne m'empêche pas d'être une mutante.

Eh bien on pense que la bête pourrait s'en prendre à vous.

 Peuh ! qu'elle vienne, ta carne. Hettie peut la recevoir et lui faire danser la gigue.

Mmmmh... Peut-être que vous seriez capable de mettre la hyène géante en fuite. Pas sûr, je ne sais pas trop ce que vous faite.

Mais cette hyène n'est peut-être pas le seul danger. On ne sait toujours pas ce qu'il y avait dans les autres cellules. Et je pense que la priorité est de retrouver l'endroit : Les grottes, c'est commun, les cascades, moins. Une cascade en face d'une grotte, on devrait pouvoir trouver...

Oui, "On" devrait pouvoir trouver. "On" a rien sans rien, cependant. Tu devrais le savoir, mutant-gitan. Rien sans rien. Si je fais ça pour toi, tu me devras un service. Pas de marche arrière.

T'es marrante, l'Ancienne. Et intrigante.
Intrigante, parce que je n'ai jamais dit à personne ici que j'étais Gitan. Et que personne ne sait ce qu'est un Gitan, ici... Ou pas vraiment.

Et t'es marrante, parce que tu es en train de négocier ton aide. A quelqu'un qui vient te proposer de sauver ta vieille peau. Gratuitement.

Jusque là, vous proposez que je vous aide. Je peux. Tu paies, ou tu repars ?

Je ne sais pas encore ... En tout cas, une chose est sûre : je ne paye jamais sans connaître le prix. J'suis pas un lapin de trois jours : j'suis un Gitan. Et un peu plus encore...

... Donc on va parler de ça. Et si c'est du foutage de gueule, je me casse sans attendre la contre-proposition. J'suis un peu borné, parfois : j'imagine que tu as déjà capté ça, l'Ancienne !

 Oh, t'es moitié Gadjo, toi. Porte tes couilles, si tu veux être un roi gitan. Rassure-toi, je vais pas te demander de tuer ta mère ou de sucer ton père. Tu devrais faire confiance à ton sang. Il est peut-être dilué, mais il est comme le mien, plein de jus de vie et d'épice. Et mon petit doigt m'a dit qu'un petit garçon viendrait me donner une fleur, avec ses chiens errants et son singe savant. 

Tu me suis, demi gadjo ?

 Moi je comprends rien, même le traducteur ne suit pas ce qu'elle raconte...

"Son singe savant", c'est pour mon blase. C'est de bonne guerre avec mes "l'Ancienne"... Mais "ses" chiens errants ? Et le terme "gadjo" et "épice" ? Tsss...
Atridès fait un petit signe aux autres, comme ci c'était devenu personnel entre elle et lui.

J'ai compris, l'Ancienne. J'essaye de prêter attention à mes peuples. Quel est le prix que tu demandes pour que je te sauve la peau ?

Je veux ton premier né.

Non, je déconne, je veux juste que tout l'monde ici jure de plus venir me casser les orteils pour vos diableries.

Promis.

Ça me va !

Okay ! 

Bon, alors je vais aller faire une sieste. Vous pouvez rester jusqu'à ce que je trouve votre grotte, mais après je veux la paix, d'accord ?

Et Hettie la folle, la sorcière, la mutante, la vieille... se cale dans un tas de feuilles et de compost près du phare, et entreprend d'y dormir.

Pendant ce laps de temps, juste après celui où tout le monde se regarde en haussant les épaules, Mika décide de retourner à la voiture pour tenir le village au courant. Oni, lui, observe les oiseaux avec Jake. Ils partent un par un dans plusieurs directions, c'est du jamais vu. 

Quant à Atridès, il entre dans la tour, et monte. Jetant un œil à chaque fenêtre qu'il croise, pour se repérer, et repérer des hostiles. Une fois au sommet, c'est plus simple et plus direct. La vue doit être imprenable. D'ailleurs, il sort des jumelles de son équipement. L'intérieur est moins étroit qu'il n'y paraît. Plus sobre qu'on penserait. Ce n'est pas une grotte : Hettie a juste une habitude de rassembler mille petites pièces pour les entreposer sur chaque mur et chaque marche d'escalier. Poupées de chiffons, totems d'ossements, branches, boutons et bijoux, tout y est. Une fois là-haut, il arrive dans l'observatoire qui, avec son dôme permettant une vue à 360°. 

Au début, il observe la fameuse croix de la mer, formée par les falaises de part et d'autre. Mais même de si haut, l'idée qu'on peut s'en faire est vague. Puis il se tourne de l'autre côté de la pièce pour voir le chemin parcouru. La forêt bloque la vue, mais plus près, il peut voir Mika et la voiture, postés à la lisière. Mika tient ses mains haut vers le ciel, comme si... Oh. Trois autres personnes le tiennent en joue avec leurs fusils. Des hommes habillés en tenues de camouflage de plusieurs tons de verts. Cachés dans les fourrés, ils devaient l'attendre. Atridès pense immédiatement à l'arbre coupé. Évidemment, en voyant la force du géant, ils n'allaient pas s'attaquer à eux en groupe.

Ah merde... En plus, lui, il est pas immortel. 'Faut que j'y aille, mais en mode tranquille, diplomatique. Et avec Jake.

Aussi, Atridès descend les escaliers qu'il vient de monter quatre à quatre, et ne s'arrête que lorsqu'il croise Jake ou Oni, penchés sur la falaise à regarder les oiseaux au loin. En un geste et avec la force expressive de son visage, il persuade silencieusement le chien de le suivre. Oni a un temps de retard mais les suit, intrigué. 

C'est donc en silence que plusieurs chiens se faufilent dans les buissons tandis qu'Atridès se faufile de racine en racine pour éviter le bruit des branches et des cailloux. Oni garde ses distances. Lorsqu'il arrive au véhicule, les hommes ont disparu, et Mika aussi. Ils ne peuvent pas être loin.

Hé, mon gros... , lance Atridès à voix basse vers un Jake. Tu sens Mika ? D'un signe de tête, Jake confirme et montre la voiture. Maintenant qu'il le voit, elle remue parfois légèrement. Dans un buisson, un grognement surprend un soldat, qui trébuche dans les fourrés sous le poids d'un Jake.

- Merde ! Dégagez ce truc ! AAAAahh !

- Quel con ! Fait un autre buisson. 

Le troisième ne peut pas être loin. Le second se met à tirer sur le chien, qui essuie plusieurs tirs. Son ami est gravement blessé. Il achève Jake avant d'en voir deux sortir de deux endroits différents. 

C'est alors que le dernier tente le tout pour le tout : la fuite à grandes enjambées, à travers bois.

Aussi, Atridès se relève de son couvert, puis court après le fuyard. Lorsqu'il s'approche de lui, le jeune théopolien commence à se courber légèrement. Il compte bien se jeter sur lui et le plaquer au sol. Il se prépare en ce sens. Quel dommage que le rugby n'existe pas sur Théopolis : Atridès aurait fait un bon pilier... 


Le fuyard n'a pas le temps de crier. Son souffle lui échappe et son corps se plie autour du bras du théopolien. séché net dans sa course, il tousse sans contrôle. 


De l'autre côté, le soldat voit Oni arriver, son ami à terre, et l'autre blessé, au sol... Il jette son arme et grimpe sur la voiture. Oni arrive pour de bon, et éclate d'un rire franc qui dénote avec le blessé qui saigne à ses côtés.

 Oh les nazes ! Garde-le sur la voiture, grand, je vais coaguler celui-là. 

Ahhhh ! Laissez-m... Oh. Merci. Fait le blessé, coagulé par les talents sanguins du jeune Shagrilien.

Retenez les chiens mutants ! Par pitié ! L'autre, sur la voiture, n'en mène pas large.

Le chien mutant, hein ?

 Oh merde, ils parlent !

Ouais. Mais là, c'est vous qui allez parler, bande de clowns.
Qu'est-ce que vous foutez là ? Et ne me faite pas répéter, sinon, je vais m'énerver et je vous casse toutes les phalanges. Une par une...

 On est des mercenaires. On vient de Stigma. On est des américains. On a été payés pour vous suivre et sécuriser les animaux mutants. On était originellement cantonnés à choper la vieille, mais on nous a changé nos ordres quand vous avez pointé vos fesses ici. C'est tout ce qu'on sait, mais ça vaut pas la paye. Tenez, j'ai déjà jeté mon arme ! 

Votre pote a rien, il est dans le coffre.

 C'est quoi des américains ? Répond ou je t'ouvre la gorge !

 On fait partie du peuple élu. Les descendants de Lincoln et Trump. Les aigles de l'espace.

'Connais pas. Mais je crois qu'un aigle dans l'espace, ça crève vite.
... Mais en fait, j'm'en fout ! Par contre, je veux savoir QUI vous a payé et où je peux rencontrer cette personne. , dit-il en allant vers le coffre pour le déverrouiller.

 Impossible. Contrat et paiements à distance, on a jamais rencontré aucun de nos clients. On va où on nous dit, on fait ce qu'on nous dit, et on est remboursés gracieusement pour notre éventuel temps de prison. 

Les Jakes se mettent tous à gronder en canon. 


 Euh.. non mais c'est vrai, je vous jure. Par contre, on sait où on devait amener la vieille. C'est pas tellement loin, à l'est.

Un bruit de raclement de gorge les interrompt. C'est Hettie, qui a l'air qu'on a au réveil, avec quelques épluchures de pommes de terre en plus dans les cheveux.


 Ah, vous les avez trouvés. Alors les 'Ricains ? Pas trop eu la chiasse cette semaine ? Hahahahaha ! 

Aaaah... quelle bande de trouffions. Bon les jeunes, j'ai trouvé votre grotte. Donc filez moi une carte ou une de vos saletés de trucs en trois dimensions holo je ne sais quoi là, que je vous montre où c'est, qu'on en finisse.

D'accord, l'Ancienne. Mais juste une minute, le temps de s'occuper d'eux... Pas envie qu'ils nous reposent des problèmes. Le ton est ferme, et doit certainement inquiéter les américains quant aux implications de cette dernière phrase. Aussi, ils doivent être soulagés d'entendre Atridès poursuivre :

On prend vos armes et vos communicateurs. Et vous allez nous indiquer l'endroit sur cette carte l'endroit on vous deviez amener Hettie. Après, vous dégagez, et je ne veux pas vous revoir !

Smartcom, un plan détaillé de la région, s'il te plaît.